Cara. Hector Malot
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Cara - Hector Malot страница 3

Название: Cara

Автор: Hector Malot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089252

isbn:

СКАЧАТЬ fils le zèle et l'exactitude d'un commis ou d'un associé, ils auraient pu s'expliquer son apathie et son indifférence par la paresse; mais cette explication n'était malheureusement pas possible.

      Léon n'était pas paresseux; collégien, il avait figuré parmi les lauréats du grand concours; élève de l'École de droit, il avait passé tous ses examens régulièrement et avec de bonnes notes; enfin, dans l'atelier où il avait appris le dessin, il avait acquis une habileté et une sûreté de main qu'une longue application peut seule donner.

      Et puis, d'autre part, ce n'était pas du zèle, ce n'était même pas du travail qu'ils lui demandaient. Le jour où ils l'avaient fait entrer dans leur maison, ils ne lui avaient pas dit: «Tu travailleras depuis sept heures et demie du matin jusqu'à neuf heures du soir, et tu emploieras ton temps sans perdre une minute.» Loin de là. Car ce jour même ils lui avaient offert un appartement de garçon luxueusement aménagé, avec deux chevaux dans l'écurie, un pour la selle, l'autre pour l'attelage, voiture sous la remise, cocher, valet de chambre; et un pareil cadeau, qui lui permettait de mener désormais l'existence d'un riche fils de famille, n'était pas compatible avec de rigoureuses exigences de travail. Aussi ces exigences n'existaient-elles ni dans l'esprit du père ni dans celui de la mère. Qu'il s'amusât. Qu'il prît dans le monde parisien la place qui selon eux appartenait à l'héritier de leur maison, cela était parfait; ils en seraient heureux; mais par contre cela n'empêchait pas (au moins ils le croyaient) qu'il s'intéressât aux affaires de cette maison, qui en réalité serait un jour, qui était déjà la sienne.

      C'était là seulement ce qu'ils attendaient, ce qu'ils espéraient, ce qu'ils exigeaient de lui.

      Cependant si peu que cela fût, ils ne l'obtinrent pas.

      À quoi pouvait tenir son indifférence, d'où venait-elle?

      Ce furent les questions qu'ils agitèrent avec leurs amis et particulièrement avec le plus intime, un commerçant nommé Byasson, mais sans leur trouver une réponse satisfaisante, chacun ayant un avis différent.

      Ils s'arrêtèrent donc à cette idée, que les choses changeraient si, comme l'avait soutenu leur ami Byasson, on donnait à Léon un rôle plus important dans la direction de la maison, plus d'initiative, plus de responsabilité, et pour en arriver à cela, ils décidèrent de s'éloigner de Paris pendant quelque temps.

      Depuis plusieurs années, les médecins conseillaient à M. Haupois d'aller faire une saison aux eaux de Balaruc, dans l'Hérault. Il avait toujours résisté aux médecins. Il céda. La femme accompagna le mari.

      Léon, resté seul maître de la maison, serait bien forcé de prendre l'habitude de diriger tout et de commander à tous; même aux vieux employés, qui jusqu'à ce jour l'avaient traité un peu en petit garçon.

      Cependant il ne dirigea rien et ne commanda à personne, ni aux jeunes ni aux vieux employés.

       Table des matières

      Le départ de son père et de sa mère lui avait imposé une obligation qu'il avait dû accepter, si désagréable qu'elle fût: c'était d'abandonner son appartement de la rue de Rivoli pour coucher rue Royale.

      Lorsque le dernier des Daguillon, qui était le père de madame Haupois, avait quitté le quartier du Louvre, où sa maison avait été fondée, pour la transférer rue Royale, il avait installé son appartement à côté de ses magasins; mais plus tard lorsque, sous la direction de M. Haupois, les affaires de la maison s'étaient développées et avaient atteint leur apogée, il avait fallu prendre cet appartement pour le transformer en salons d'exposition, en bureaux, en magasins. De ce qui jusqu'à ce jour avait servi à l'habitation particulière on n'avait conservé qu'une chambre avec une cuisine. Et pour loger la famille on avait dû louer un appartement rue de Rivoli, entre la rue de Luxembourg et la rue Saint-Florentin. C'était là que les enfants avaient grandi, en bon air, au soleil, les yeux égayés par la verdure des Tuileries. Mais cet appartement confortable, madame Haupois-Daguillon ne l'avait guère habité, car obligée de rester rue Royale, où l'oeil du maître était nécessaire, elle avait conservé sa chambre auprès de ses magasins, la première levée, la dernière couchée, ne vivant de la vie de famille que le dimanche seulement.

      Tant que durerait l'absence de ses parents, Léon devait habiter cette chambre, remplacer ainsi sa mère, et comme elle faire bonne garde sur toutes choses.

      Mais pour coucher rue Royale Léon ne s'était pas trouvé obligé à s'occuper plus attentivement des affaires de la maison: il avait rempli le rôle de gardien, voilà tout, et encore en dormant sur les deux oreilles.

      Pour le reste, il avait laissé les choses suivre leur cours, et quand le vieux caissier, le vénérable Savourdin, bonhomme à lunettes d'or et à cravate blanche le priait chaque soir de vérifier la caisse, il s'acquittait de cette besogne avec une nonchalance véritablement inexplicable. Quelle différence entre la mère et le fils! et le bonhomme Savourdin, qui avait des lettres, s'écriait de temps en temps: O tempora, o mores! en se demandant avec angoisse à quels abîmes courait la société.

      Il y avait déjà douze jours que M. et madame Haupois-Daguillon étaient partis pour les eaux de Balaruc, lorsqu'un jeudi matin, en classant le courrier que le facteur venait d'apporter, le bonhomme Savourdin trouva une lettre adressée à M. Léon Haupois, avec la mention «personnelle et pressée» écrite au haut de sa large enveloppe.

      Aussitôt il appela un garçon de bureau:

      —Portez cette lettre à M. Léon.

      —M. Léon n'est pas levé.

      —Eh bien, remettez-la à son domestique en lui faisant remarquer qu'elle est pressée.

      —Ce ne sera pas une raison pour que M. Joseph prenne sur lui d'éveiller son maître.

      —Vous lui direz, ajouta le caissier en haussant doucement les épaules par un geste de pitié, que ce n'est pas une lettre d'affaires; l'écriture de l'adresse est de la main de M. Armand Haupois, l'oncle de M. Léon, et le timbre est celui de Lion-sur-Mer, village auprès duquel M. l'avocat général habite ordinairement avec sa fille pendant les vacances pour prendre les bains. Cela décidera sans doute Joseph, ou comme vous dites «M. Joseph», à réveiller son maître.

      Le garçon de bureau prit la lettre et, secouant la tête en homme bien convaincu qu'on lui fait faire une course inutile, il sortit du magasin et alla frapper à une petite porte bâtarde,—celle de la cuisine,—qui ouvrait directement sur l'escalier.

      Une voix lui ayant répondu de l'intérieur, il entra: deux hommes se trouvaient dans cette cuisine; l'un d'eux, en veste de velours bleu, évidemment un commissionnaire, était en train de cirer des bottines; l'autre, en gilet à manches, assis sur deux chaises, les pieds en l'air, était occupé à lire le journal.

      —Tiens! monsieur Pierre, dit ce dernier en abandonnant sa lecture.

      —Moi-même, monsieur Joseph, qui me fais le plaisir de vous apporter une lettre pour M. Léon.

      —Monsieur n'est pas éveillé.

      Et comme le commissionnaire qui cirait les bottines avait ralenti le mouvement de son bras droit:

      —Frottez donc, père Manhac; vous avez déjà batté les vêtements СКАЧАТЬ