Название: Les Mémoires d'un âne
Автор: Comtesse de Ségur
Издательство: Bookwire
Жанр: Книги для детей: прочее
isbn: 4064066089368
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Pauline: embarrassée.—Maman, j'aime mieux ne pas vous le dire; j'ai peur que vous ne me grondiez.
La maman: avec vivacité.—Qu'est-ce donc? Voyons; parle. Quelle bêtise as-tu faite encore?
Pauline:—Ce n'est pas une bêtise, maman, au contraire.
La maman:—Alors, de quoi as-tu peur? Je parie que tu as donné à Cadichon de l'avoine à le rendre malade.
Pauline:—Non, je ne lui ai rien donné, au contraire.
La maman:—Comment, au contraire! Ecoute, Pauline, tu m'impatientes; je veux que tu me dises ce que tu as fait, et pourquoi tu m'as quittée depuis près d'une heure.
En effet, l'arrangement de mes poils avait été très long; il avait fallu enlever le papier collé derrière le médaillon, ôter le verre, placer les poils et recoller le tout.
Pauline hésita encore un instant; puis elle dit bien bas et en hésitant bien fort:
—J'ai coupé des poils de Cadichon pour...
La maman: avec impatience.—Pour? Eh bien! achève donc! Pour quoi faire?
Pauline: très bas.—Pour mettre dans le médaillon.
La maman: avec colère.—Dans quel médaillon?
Pauline:—Dans celui que vous m'avez donné.
La maman: de même.—Celui que je t'ai donné avec mes cheveux! Et qu'as-tu fait de mes cheveux?
—Ils y sont toujours; les voilà, répondit la pauvre Pauline en présentant le médaillon.
—Mes cheveux mêlés avec les poils de l'âne! s'écria la maman avec emportement. Ah! c'est trop fort! Vous ne méritez pas, mademoiselle, le présent que je vous ai fait. Me mettre au rang d'un âne! Témoigner à un âne la même tendresse qu'à moi!
Et, arrachant le médaillon des mains de la malheureuse Pauline stupéfaite, elle le lança à terre, piétina dessus et le brisa en mille morceaux. Puis, sans regarder sa fille, elle sortit de l'écurie en fermant la porte avec violence.
Pauline, surprise, effrayée de cette colère subite, resta un moment immobile. Elle ne tarda pas à éclater en sanglots, et, se jetant à mon cou, elle me dit:
«Cadichon, Cadichon, tu vois comme on me traite! On ne veut pas que je t'aime, mais je t'aimerai malgré eux et plus qu'eux, parce que toi tu es bon, tu ne me grondes jamais; tu ne me causes jamais aucun chagrin, et tu cherches à m'amuser dans nos promenades. Hélas! Cadichon, quel malheur que tu ne puisses ni me comprendre ni me parler! Que de choses je te dirais!»
Pauline se tut: et elle se jeta par terre et continua à pleurer doucement. J'étais touché et attristé de son chagrin, mais je ne pouvais la consoler ni même lui faire savoir que je la comprenais. J'éprouvais une colère furieuse contre cette mère qui, par bêtise ou par excès de tendresse pour sa fille, la rendait malheureuse. Si j'avais pu, je lui aurais fait comprendre le chagrin qu'elle causait à Pauline, le mal qu'elle faisait à cette santé si délicate, mais je ne pouvais parler, et je regardais avec tristesse couler les larmes de Pauline. Un quart d'heure à peine s'était écoulé depuis le départ de la maman, lorsqu'une femme de chambre ouvrit la porte, appela Pauline, et lui dit:
—Mademoiselle, votre maman vous demande, elle ne veut pas que vous restiez à l'écurie de Cadichon, ni même que vous y entriez.
—Cadichon, mon pauvre Cadichon! s'écria Pauline, on ne veut donc plus que je le voie!
—Si fait, mademoiselle, mais seulement quand vous irez en promenade; votre maman dit que votre place est au salon et pas à l'écurie.
Pauline ne répliqua pas, elle savait que sa maman voulait être obéie; elle m'embrassa une dernière fois; je sentis couler ses larmes sur mon cou. Elle sortit et ne rentra plus. Depuis ce temps, Pauline devint plus triste et plus souffrante; elle toussait; je la voyais pâlir et maigrir. Le mauvais temps rendait nos promenades plus rares et moins longues. Quand on m'amenait devant le perron du château, Pauline montait sur mon dos sans me parler; mais, quand nous étions hors de vue, elle sautait à terre, me caressait, et me racontait ses chagrins de tous les jours pour soulager son coeur, et pensant que je ne pouvais la comprendre. C'est ainsi que j'appris que sa maman était restée de mauvaise humeur et maussade depuis l'aventure du médaillon; que Pauline s'ennuyait et s'attristait plus que jamais, et que la maladie dont elle souffrait devenait tous les jours plus grave.
VIII
L'INCENDIE
Un soir que je commençais à m'endormir, je fus réveillé par des cris: Au feu! Inquiet, effrayé, je cherchai à me débarrasser de la courroie qui me retenait; mais, j'eus beau tirer, me rouler à terre, la maudite courroie ne cassait pas. J'eus enfin l'heureuse idée de la couper avec mes dents: j'y parvins après quelques efforts. La lueur de l'incendie éclairait ma pauvre écurie; les cris, le bruit augmentaient; j'entendais les lamentations des domestiques, le craquement des murs, des planchers qui s'écroulaient, le ronflement des flammes; la fumée pénétrait déjà dans mon écurie, et personne ne songeait à moi; personne n'avait la charitable pensée d'ouvrir seulement ma porte pour me faire échapper. Les flammes augmentaient de violence; je sentais une chaleur incommode qui commençait à me suffoquer.
«C'est fini, me dis-je, je suis condamné à brûler vif; quelle mort affreuse! Oh! Pauline! ma chère maîtresse! vous avez oublié votre pauvre Cadichon.»
A peine avais-je, non pas prononcé, mais pensé ces paroles, que ma porte s'ouvrit avec violence, et j'entendis la voix terrifiée de Pauline qui m'appelait. Heureux d'être sauvé, je m'élançai vers elle et nous allions passer la porte, lorsqu'un craquement épouvantable nous fit reculer. Un bâtiment en face de mon écurie s'était écroulé; ses débris bouchaient tout passage: ma pauvre maîtresse devait périr pour avoir voulu me délivrer. La fumée, la poussière de l'éboulement et la chaleur nous suffoquaient. Pauline se laissa tomber près de moi. Je pris subitement un parti dangereux, mais qui seul pouvait nous sauver. Je saisis avec mes dents la robe de ma petite maîtresse presque évanouie, et je m'élançai à travers les poutres enflammées qui couvraient la terre. J'eus le bonheur de tout traverser sans que sa robe prît feu; je m'arrêtai pour voir de quel côté je devais me diriger, tout brûlait autour de nous. Désespéré, découragé, j'allais poser à terre Pauline complètement évanouie, lorsque j'aperçus une cave ouverte; je m'y précipitai, sachant bien que nous serions en sûreté dans les caves voûtées du château. Je déposai Pauline près d'un baquet plein d'eau afin qu'elle pût s'en mouiller le front et les tempes en revenant à elle, ce qui ne tarda pas à arriver. Quand elle se vit sauvée et à l'abri de tout danger, elle se jeta à genoux, et fit une prière touchante pour remercier Dieu de l'avoir préservée d'un si terrible danger. Ensuite elle me remercia avec une tendresse et une reconnaissance qui m'attendrirent. Elle but quelques gorgées de l'eau du baquet et écouta. Le feu continuait ses ravages, СКАЧАТЬ