Название: Les petites filles modèles
Автор: Comtesse de Ségur
Издательство: Bookwire
Жанр: Книги для детей: прочее
isbn: 4064066074869
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MADAME DE ROSBOURG.
Mais ne serait-ce pas bien indiscret aux yeux de votre famille?
MADAME DE FLEURVILLE.
Nullement. Je vis dans un grand isolement depuis la mort de mon mari. Je vous ai raconté sa fin cruelle dans un combat contre les Arabes, il y a six ans. Depuis j'ai toujours vécu à la campagne. Vous n'avez pas de mari non plus, puisque vous n'avez reçu aucune nouvelle du vôtre depuis le naufrage du vaisseau sur lequel il s'était embarqué.
MADAME DE ROSBOURG.
Hélas! oui; il a sans doute péri avec ce fatal vaisseau: car depuis deux ans, malgré toutes les recherches de mon frère, le marin qui a presque fait le tour du monde, nous n'avons pu découvrir aucune trace de mon pauvre mari, ni d'aucune des personnes qui l'accompagnaient. Eh bien, puisque vous me pressez si amicalement de rester ici, je consens volontiers à ne faire qu'un ménage avec vous et à laisser ma petite Marguerite sous la garde de ses deux bonnes et aimables amies.
MADAME DE FLEURVILLE.
Ainsi donc, chère amie, c'est une chose décidée?
MADAME DE ROSBOURG.
Oui, puisque vous le voulez bien; nous demeurerons ensemble.
MADAME DE FLEURVILLE.
Que vous êtes bonne d'avoir cédé si promptement à mes désirs, chère amie! je vais porter cette heureuse nouvelle à mes filles; elles en seront enchantées.»
Mme de Fleurville entra dans la chambre où Camille et Madeleine prenaient leurs leçons bien attentivement, pendant que Marguerite s'amusait avec les poupées et leur racontait des histoires tout bas, pour ne pas empêcher ses deux amies de bien s'appliquer.
MADAME DE FLEURVILLE.
Mes petites filles, je viens vous annoncer une nouvelle qui vous fera grand plaisir. Mme de Rosbourg et Marguerite ne nous quitteront pas, comme nous le craignions.
CAMILLE.
Comment! maman, elles resteront toujours avec nous?
MADAME DE FLEURVILLE.
Oui, toujours, ma fille, Mme de Rosbourg me l'a promis.
—Oh! quel bonheur!» dirent les trois enfants à la fois.
Marguerite courut embrasser Mme de Fleurville, qui, après lui avoir rendu ses caresses, dit à Camille et à Madeleine:
«Mes chères enfants, si vous voulez me rendre toujours heureuse comme vous l'avez fait jusqu'ici, il faut redoubler encore d'application au travail, d'obéissance à mes ordres et de complaisance entre vous. Marguerite est plus jeune que vous. C'est vous qui serez chargées de son éducation, sous la direction de sa maman et de moi. Pour la rendre bonne et sage, il faut lui donner toujours de bons conseils et surtout de bons exemples.
CAMILLE.
Oh! ma chère maman, soyez tranquille; nous élèverons Marguerite aussi bien que vous nous élevez. Je lui montrerai à lire, à écrire; et Madeleine lui apprendra à travailler, à tout ranger, à tout mettre en ordre; n'est-ce pas, Madeleine?
MADELEINE.
Oui, certainement; d'ailleurs elle est si gentille, si douce, qu'elle ne nous donnera pas beaucoup de peine.
—Je serai toujours bien sage, reprit Marguerite en embrassant tantôt Camille, tantôt Madeleine. Je vous écouterai, et je chercherai toujours à vous faire plaisir.
CAMILLE.
Eh bien, ma petite Marguerite, puisque tu veux être bien sage, fais-moi l'amitié d'aller te promener pendant une heure, comme je te l'ai déjà dit. Depuis que nous avons commencé nos leçons, tu n'es pas sortie; si tu restes toujours assise, tu perdras tes couleurs et tu deviendras malade.
MARGUERITE.
Oh! Camille, je t'en prie, laisse-moi avec toi! Je t'aime tant!»
Camille allait céder, mais Madeleine pressentit la faiblesse de sa sœur: elle prévit tout de suite qu'en cédant une fois à Marguerite il faudrait lui céder toujours et qu'elle finirait par ne faire jamais que ses volontés. Elle prit donc Marguerite par la main, et, ouvrant la porte, elle lui dit:
«Ma chère Marguerite, Camille t'a déjà dit deux fois d'aller te promener; tu demandes toujours à rester encore un instant. Camille a la bonté de t'écouter; mais cette fois nous voulons que tu sortes. Ainsi, pour être sage, comme tu nous le promettais tout à l'heure, il faut te montrer obéissante. Va, ma petite; dans une heure tu reviendras.»
Marguerite regarda Camille d'un air suppliant; mais Camille, qui sentait bien que sa sœur avait raison, n'osa pas lever les yeux, de crainte de se laisser attendrir. Marguerite, voyant qu'il fallait se soumettre, sortit lentement et descendit dans le jardin.
Mme de Fleurville avait écouté, sans mot dire, cette petite scène; elle s'approcha de Madeleine et l'embrassa tendrement. «Bien! Madeleine, lui dit-elle. Et toi, Camille, courage; fais comme ta sœur.» Puis elle sortit.
V
LES FLEURS CUEILLIES ET REMPLACÉES
«Mon Dieu! mon Dieu! que je m'ennuie toute seule! pensa Marguerite après avoir marché un quart d'heure. Pourquoi donc Madeleine m'a-t-elle forcée de sortir?... Camille voulait bien me garder, je l'ai bien vu!... Quand je suis seule avec Camille, elle me laisse faire tout ce que je veux.... Comme je l'aime, Camille!... J'aime beaucoup Madeleine, aussi; mais... je m'amuse davantage avec Camille. Qu'est-ce que je vais faire pour m'amuser?... Ah! j'ai une bonne idée: je vais nettoyer et balayer leur petit jardin.»
Elle courut vers le jardin de Camille et de Madeleine, le nettoya, balaya les feuilles tombées, et se mit ensuite à examiner toutes les fleurs. Tout à coup l'idée lui vint de cueillir un beau bouquet pour Camille et pour Madeleine.
«Comme elles seront contentes! se dit-elle. Je vais prendre toutes les fleurs, j'en ferai un magnifique bouquet: elles le mettront dans leur chambre, qui sentira bien bon!»
Voilà Marguerite enchantée de son idée; elle cueille œillets, giroflées, marguerites, roses, dahlias, réséda, jasmin, enfin tout ce qui se trouvait dans le jardin. Elle jetait les fleurs à mesure dans son tablier dont elle avait relevé les coins, les entassait tant qu'elle pouvait et ne leur laissait presque pas de queue.
Quand elle eut tout cueilli, elle courut à la maison, entra précipitamment dans la chambre où travaillaient encore Camille et Madeleine, et, courant à elles d'un air radieux:
«Tenez, Camille, tenez, Madeleine, regardez ce que je vous apporte, comme c'est beau!»
Et, СКАЧАТЬ