" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов
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СКАЧАТЬ de compétition tacite était simplement la norme dans les théâtres concurrents de l’époque et au cœur même de l’écriture et de la pratique théâtrales.

      Comme tout document, les arguments didascaliques de Sganarelle ou Le Cocu imaginaire importent tant pour ce qu’ils disent que pour ce qu’ils taisent, leur silence ne remettant nullement en question leur valeur d’organon de la pièce. En tant que didascalies de lecture, ils produisent un effet singulier : les arguments brisent la continuité de l’action et isolent chaque scène, transformant de facto presque chacune d’elles en spectacle autonome, autosuffisant, sui generis. Il conviendrait du coup d’apporter des éléments de réponses à cette autre question : pourquoi l’annotateur se sent-il obligé d’annoter aussi ce qui – il le signale lui-même – ne nécessite aucune annotation ? Pourquoi une telle systématicité ? Il y a en effet 24 scènes et donc 24 arguments, et même 25 intrusions, puisqu’un paragraphe de l’annotateur boucle l’action et précède le mot fin, achevant véritablement la lettre « À un ami » qui sert de cadre au texte de Molière57. Or, si la quasi-totalité des arguments remplit sans conteste une fonction documentaire, ceux des scènes 8, 14 et 19 sont désolants d’indigence et nuls58. Tout semble se passer comme si l’annotateur pirate devait porter à tout prix ce « nous » si savoureux et faire coûte que coûte de Molière son collaborateur.

      Les arguments et les pièces liminaires disparaissent après 1666 des publications de la pièce59. Ils se trouvent encore dans Les Œuvres de Monsieur Molière de 1666 publiées en dépit de Molière par Thomas Jolly et sept autres libraires, alors qu’ils ont disparu toujours en 1666 dans une troisième édition séparée de la pièce par Ribou apparemment autorisée par Molière60. L’auteur Molière a en 1666 tranché en faveur de ses alexandrins, au détriment de la mise en scène imprimée que le comédien Molière n’avait pourtant pas supprimée en 1662. Dans la grande édition de 1682, la pièce est identique à la troisième publiée par Ribou, donc dénuée d’arguments, et le nombre de didascalies ne s’y voit même pas augmenté, « ce qui est exceptionnel dans cette édition », précisent Alain Riffaud, Edric Caldicott et Georges Forestier dans la « Note sur le texte » de l’édition Forestier61. Le Cocu imaginaire semble tomber dans l’excès inverse et passer de la surabondance didascalique, avec des arguments parfois plus longs que les scènes, à une étrange pénurie didascalique. Mais la mise en scène de papier proposée par les arguments a-t-elle encore lieu d’être, alors que LeCocu imaginaire devient la comédie de Molière la plus souvent représentée de son vivant et que tout un chacun peut de ce fait la voir, à la cour, à la ville ou en visite ? Les arguments disdascaliques, outre leur mission de restituer certains des « agréments que le Théâtre donne » au texte du Cocu imaginaire, ont notamment fourni une sorte d’écrin aux alexandrins de Molière, contribuant à faire de cette petite comédie bien plus qu’un simple complément de programme : une élégante figure de proue de son répertoire de comédien poète. Pour ses contemporains, « l’auteur du Misanthrope » est d’abord considéré comme l’auteur du Cocu imaginaire, sa pièce « la meilleure [et] la mieux écrite », proclame Donneau de Visé en 1663, n’en déplaise à Boileau62. Or, présentés en 1660 comme une sorte d’organon d’un Cocu imaginaire à la fois si galant et si naturel, et du même coup comme l’organon d’un théâtre absolument nouveau, les arguments peuvent-ils être encore de mise en 1666 en pleine affaire Tartuffe ?

      L’imprimé théâtral dans les provinces méridionales au XVIIᵉ siècle

      Bénédicte LOUVAT

      Université Toulouse – Jean Jaurès

      Rapporté à son étendue géographique – il est borné à l’est par Aix-en-Provence et Marseille, à l’ouest par Bordeaux, au nord par Limoges et au sud par Montpellier –, le nombre d’ouvrages de théâtre imprimés au XVIIe siècle sur le territoire méridional et plus spécifiquement occitanophone est singulièrement limité.

      La production en français

      Qu’on en juge, pour commencer, par les chiffres donnés par Alain Riffaud dans la rubrique « Les libraires du théâtre français 1630-1660 » de son Répertoire du théâtre français imprimé, 1630-1660 et son complément électronique, qui couvre les décennies antérieures et postérieures1. La rubrique est subdivisée en deux grandes sections où sont recensés d’une part les « principaux libraires parisiens du théâtre » (notamment Augustin Courbé, Guillaume de Luyne, son beau-père Toussaint Quinet, Antoine de Sommaville et François Targa), d’autre part les « autres libraires du théâtre ». Au sein de cette seconde catégorie sont à leur tour distingués les libraires parisiens qui n’ont à leur catalogue qu’entre un et une dizaine de titre(s), les libraires rouennais (23 pour les décennies 1630-1660), les libraires lyonnais (au nombre de 24) et les « autres libraires », dont le nombre s’élève à 40. Sur ces 40 libraires, neuf, soit près d’un quart –mais encore une fois, le territoire est vaste – appartiennent à la zone géographique que nous avons isolée et se répartissent entre cinq villes : Toulouse, Avignon, Bordeaux, Montpellier et Béziers. Pendant les 30 années étudiées par A. Riffaud dans son ouvrage – à peine un tiers du siècle, mais une période particulièrement riche pour le théâtre français –, 10 œuvres ont été éditées par ces libraires, 4 à Avignon, 2 à Bordeaux, 2 à Toulouse, 1 à Montpellier et 1 à Béziers. Si l’on complète cette première liste à partir des informations recueillies sur le site hébergé par l’université de Fribourg et que l’on étend la période étudiée à l’ensemble du siècle, on obtient les données suivantes :

       Avignon

      Théophile de Viau, Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, dans Les Œuvres du Sieur Theophile, Jacques Bramereau, 1633.

      Sieur Corbassier, La Dorise, Jacques Bramereau, 1636.

      Arnaud, Agamemnon, Jacques Bramereau, 1642.

      Desfontaines, Les Galantes vertueuses. Histoire veritable & arrivée de ce temps pendant le Siege de Thurin, Jean Piot, 1642.

      Calotin, Amsterdam hydropique. Comédie burlesque à trois actes. Par M. P. A., Pierre Offray, 1672 puis réédition chez Antoine Duperier, 1673.

       Toulouse

      Jean Galaut, Phalante Tragédie, Vve Jacques Colomiez et R. Colomiez, 1611.

      D.L.T., Josaphat ou le triomphe de la foy sur les Chaldéens, François Boude, 1646.

      Desfontaines, Le Martyre de saint Eustache, Jean Brocour, Arnaud Colomiez et Bernard Fouchac, 1652.

      La Calprenède, La Mort des enfants d’Hérode, ou suite de la Mariane, Arnauld Colomiez et Jean Brocour, 1652.

      Scudéry, La Mort de César, Bernard Fouchac ou Arnaud Colomiez, 1652.

      Tristan L’Hermite, La Mariane, Bernard Fouchac ou A. Colomiez et J. Brocour, 1652.

      Tristan L’Hermite, La Mort de Chrispe, Bernard Fouchac ou A. Colomiez et J. Brocour, 1652.

      Molière, Les Œuvres de Monsieur de Molière, Jean Dupuy, Dominique Desclassan et Jean-François Caranove, 1697.

      Père Dumoret, Le Sacrifice d’Abraham. Tragédie. Par le P. Dumoret de la Doctrine Chrétienne, Professeur des Humanitez dans le premier Colège de Toulouse, Claude-Gilles СКАЧАТЬ