" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов
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СКАЧАТЬ de plusieurs autres Graveurs, qui ont porté cette délicatesse jusqu’au dernier point de perfection. Mais pour le feu, la force des expressions, la variété, et pour l’esprit qui s’y rencontre, je ne sais s’il y a eu quelqu’un qui l’ait surpassé dans cette partie.4

      Ce commentaire est un panégyrique qui, s’il obéit à l’intention de l’ouvrage, prend toute sa valeur dans la mesure où seuls quatre graveurs sont l’objet d’un éloge de Perrault ; Chauveau est ainsi célébré aux côtés de Jacques Callot, Robert Nanteuil et Claude Mellan. En outre, en établissant un lien avec la peinture, en célébrant le dialogue des arts, Perrault rappelle combien l’Ut Pictura Poesis d’Horace fait partie des débats théoriques du XVIIe siècle, notamment au sein de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture.

      Ces portraits littéraires doivent être complétés par les portraits gravés qui donnent à voir la physionomie de Chauveau, peinte par le portraitiste Claude Lefebvre en 1664. Le souvenir du tableau disparu se trouve conservé dans sa traduction en gravure par Louis Cossin en 1668, comme l’indique la lettre.

      Louis Cossin d’après Claude Lefebvre, Portrait de Chauveau, 1668, estampe, 249x 206 mm. [© Nancy, Musée des beaux-arts, Lorraine, France. Ville de Nancy, P. Buren]

      Le dessinateur et graveur est figuré assis, de trois-quarts, devant une table sur laquelle les outils du graveur sont disposés tandis qu’il tient redressée une plaque de cuivre figurant une Minerve en pied. La posture du personnage, le soin du costume, l’élégance des plis fins de la chemise signent une forme d’aisance, celle d’un homme qui a acquis une certaine réputation que rappelle la lettre gravée. L’index discrètement tendu invite à contempler l’œuvre, comme si le modèle qui ne regarde pas le spectateur était en conversation avec un interlocuteur non visible. Cette effigie a été reprise et gravée en sens inverse par Edelinck pour le volume de Perrault qui associe à chaque éloge un portrait en médaillon pleine page.

      Gérard Edelinck d’après Claude Lefebvre, Portrait de Chauveau, estampe pour Charles Perrault, Les hommes illustres, 1699-1700, in-4, p. 98. [© MC Planche, Lyon, BmL 30798]

      Afin de répondre aux exigences du format le portrait a perdu en ampleur : l’homme drapé dans son manteau apparaît dans une posture plus académique qui s’affranchit de la plaque de cuivre et des outils du graveur.

      Nous souhaiterions envisager le travail de Chauveau en commençant par l’étude de deux dessins exécutés pour l’édition collective du théâtre de Racine en 1675-76 parue chez Claude Barbin5. Raymond Picard6, dans un article fameux régulièrement cité, avait en son temps fermement critiqué la capacité de Chauveau à transposer les pièces de théâtre de Racine. Le travail que nous avons effectué sur l’illustration des tragédies raciniennes, nous invite à nuancer largement son propos pour plusieurs raisons7. Il convient tout d’abord de faire remarquer la nouveauté du travail du dessinateur qui dessina les premières vignettes raciniennes. En cherchant à figurer les instants les plus tragiques, souvent absents de la scène théâtrale, Chauveau s’est inscrit dans la continuité des éditions illustrées du théâtre de Pierre Corneille, tout en affirmant un principe iconographique dont ses suiveurs se sont largement inspirés. Illustrer les tragédies de Racine, c’est mettre en tension le texte et l’estampe, et ce notamment en raison de la place de la vignette dans l’édition, puisqu’elle précède les mots. Dans ces conditions, que doit-elle figurer ? Un épisode éminemment tragique, un condensé de l’action qui permette de saisir les enjeux et la psychologie des personnages ? Sans doute qu’une composition parvenant à concilier ces différents éléments serait la mieux venue. Il apparaît ainsi que si les frontispices des tragédies ne peuvent illustrer avec la même verve la force tragique du vers racinien, ils s’efforcent d’en saisir les tensions de l’action. Les dessins exécutés pour Andromaque sont à cet égard éclairants : deux compositions à la plume et lavis sont conservées. L’une d’elles servit à la gravure, tandis que l’autre fut abandonnée. Le dessin délaissé représente la captive de Pyrrhus accompagnée du jeune Astyanax à proximité du tombeau d’Hector.

      François Chauveau, Andromaque, plume et encre brun-rouge, lavis, 131x78 mm. [© MC Planche Collection particulière]

      Andromaque, le visage tourné vers son enfant qui marque un mouvement de recul, désigne de la main gauche le majestueux cénotaphe rendant hommage au valeureux Troyen « privé de funérailles / Et traîné sans honneur autour de nos murailles8 ». Le tombeau, mentionné deux fois à l’acte III, est un symbole fort de la présence d’Hector dans le cœur de sa veuve. La fidélité à l’époux est en effet l’enjeu de l’opposition à Pyrrhus qui la veut pour femme et menace de faire périr l’enfant en cas de refus. Après avoir dialogué avec sa confidente Céphise, alors qu’elle s’est presque résolue à sauver son fils, son dilemme s’exprime dans le vers qui clôt l’acte : « Allons, sur son tombeau consulter mon époux9. » Racine, dans sa préface, fait explicitement référence à l’Énéide de Virgile et au geste d’Andromaque qui, dans l’épopée, honore son défunt près d’un tumulus10. Ce dessin s’éloigne pleinement de la scène théâtrale et rappelle par la majesté du tombeau l’importance d’Hector pour Andromaque tout en soulignant une présence forte dans l’action de la tragédie. Il occupe pleinement les pensées de la jeune Troyenne qui retrouve dans les traits de son fils le souvenir de ceux d’Hector. Les reliefs du cénotaphe rendent ainsi hommage à la valeur guerrière du fils de Priam en figurant des trophées et un groupe de cavaliers en mouvement. L’espace du recueillement délimité par les végétaux ouvre sur une perspective avec une ville à l’arrière-plan tandis qu’au tout premier plan, de discrètes vagues sont figurées, rappelant le cadre de l’action. Enfin la présence d’Astyanax, qui ne paraît jamais sur la scène théâtrale, constitue l’expression d’une intelligence du texte puisque l’enfant est en effet au centre des dialogues. Le second dessin, destiné à être gravé, figure une supplique d’Andromaque ; la jeune captive se jette aux pieds du roi d’Épire dans un mouvement que les plis du vêtement traduisent.

      François Chauveau, Andromaque, plume et encre brune, lavis gris. 131x78 mm. [© MC Planche Collection particulière]

      Pyrrhus semble proche d’agir et Andromaque gêne son départ :

       Pyrrhus

      Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector.

       Andromaque

      Ah ! Seigneur, arrêtez ! Que prétendez-vous faire ?11

      Elle doit l’empêcher de livrer son fils en attirant sa compassion par une attitude humble et convaincante, Chauveau l’a ainsi figurée au pied de Pyrrhus, les bras ouverts au niveau des genoux, le visage levé, très implorante12. Sa supplique est redoublée par l’attitude de sa confidente Céphise qui se tient en arrière. Le roi quant à lui, par sa posture et le mouvement de ses bras est dans une dynamique que retient quelque peu l’action de la jeune femme alors qu’il s’apprêtait à suivre Phœnix. L’espace dans lequel les personnages sont représentés est ouvert sur l’extérieur, il apparaît comme un lieu de passage marqué par d’imposants piliers sur de hauts piédestaux. Ces derniers semblent délimiter l’aire dévolue aux femmes de celle dévolue aux hommes. La composition, par son expressivité qui expose СКАЧАТЬ