" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов
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СКАЧАТЬ chantés en italien, disposés à droite de l’imprimé. À la différence d’un ouvrage comme l’Andromède de Laurent Maurry et Charles de Sercy, cet imprimé n’était pas destiné à la postérité. Produit pour l’éphémère des représentations, il avait une utilité immédiate pour suivre un spectacle dont on ne comprenait pas toujours les paroles13. Ainsi, graver cet imprimé s’avérait inutile, le public ayant devant les yeux les décors et les machines de Torelli. La gravure intervenait donc après la mort du spectacle lui-même.

      La présence de l’estampe dans les spectacles imprimés : l’éphémère et/ou l’Histoire

      Recoupant des enjeux doublement politiques et éditoriaux, les estampes présentes dans certains imprimés des spectacles de Torelli résultent d’un phénomène assez unique dans la France du XVIIe siècle. De la Finta Pazza aux Noces de Pelée et de Thétis est apparue une iconographie jusqu’alors inédite, dans sa quantité comme dans sa qualité1, pour illustrer des spectacles, l’ampleur comme leur nombre répondant à la qualité artistique des dessins et du travail de gravure.

      Le Nozze di Peleo e di Theti, commedia. Les Noces de Pelée et de Thétis, comédie, 1654. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, B. L. G. D. 43389. Photo A. Saudrais, 2017.

      Mais ces estampes insérées dans quelques imprimés étaient un luxe réservé à une élite, propice à diffuser les talents d’un ingénieur et à célébrer le pouvoir monarchique. Or, cette politique iconographique et éditoriale au service de la mémoire et de l’Histoire fut très rapidement gagnante avec un impact historiographique quasi immédiat dans l’histoire des spectacles en France, que l’on pense à Ménestrier ou à Donneau de Visé, le fondateur du Mercure Galant se remémorant les décors et les machines de Torelli trente ans plus tard lors de la reprise de la pièce par la Comédie-Française. Le rôle des estampes fut déterminant pour la célébration d’un spectacle disparu mais réactualisé avec une nouvelle mise en scène du machiniste Dufort en 1682, Donneau de Visé ne tarissant pas d’éloges :

      Les comédiens Français ont commencé depuis quelques jours les représentations d’Andromède, tragédie en machines, de Mr Corneille l’aîné. Elle fut faite pour le divertissement du roi, dans les premières années de sa minorité. La reine mère qui n’entreprenait rien que de grand, y fit travailler dans la grande salle du Petit-Bourbon, où se représentaient les ballets du roi, lorsqu’ils étaient accompagnés de machines. Le théâtre était beau, élevé et profond, et l’on y a vu plusieurs grands ballets, où sa Majesté dansait, dignes de l’éclat et de la grandeur de la cour de France. Le sieur Torelli, pour lors machiniste du roi, travailla aux machines d’Andromède. Elles parurent si belles, aussi bien que les décorations, qu’elles furent gravées en taille-douce.2

      Donneau de Visé, qui n’assista pas aux représentations de 16503, construisait déjà la notoriété d’un spectacle grâce aux gravures de Chauveau dont les estampes étaient insérées dans l’imprimé de Laurent Maurry et de Charles de Sercy, confirmant l’heureux pari d’une politique éditoriale entreprise par le pouvoir, pour la gloire du machiniste et le souvenir de Mazarin.

      François Chauveau, un illustrateur pour la littérature

      Marie-Claire PLANCHE

      IHRIM-Lyon 3

      Son œuvre tout entier est d’une décontraction de bon aloi, son propre portrait le laisse percevoir.1

      Les Fables de La Fontaine, les grands romans du siècle, le théâtre de Racine, mais aussi Virgile, sont autant de textes illustrés par François Chauveau (1613-1676), qui marque de son empreinte le livre à figures du XVIIe siècle en tant que dessinateur et graveur. Son œuvre fut appréciée, comme en atteste son admission aux côtés de quelques autres graveurs à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture en 1663, qui constitue une marque importante de reconnaissance. Dans ses compositions l’artiste s’adapte aux formats des différentes éditions et aux genres littéraires, se montrant capable pour Les Fables de saisir l’essentiel des apologues en quelques traits dans une petite vignette ou de proposer pour les romans une suite narrative qui se déploie au fil des pages. Lorsqu’il illustre les textes de son siècle il propose la toute première iconographie, contribuant parfois à en fixer les motifs. S’intéresser à l’œuvre de Chauveau c’est rappeler une fois encore la proximité que le texte et son illustration entretiennent, mais c’est aussi rappeler que le livre illustré continue de soulever des questions qui intéressent les conditions de la fabrique de l’image. En effet, si les liens entre les textes et les estampes sont pour une part physiques ils sont surtout intellectuels puisqu’ils relèvent du sens, de la perception des mots et d’une volonté de les transposer dans un autre art. Cependant le manque de documents d’archives rend encore aujourd’hui bien opaques les liens entre le dessinateur, le graveur, l’imprimeur voire aussi l’auteur. Le dessinateur prolixe que fut Chauveau lisait-il les œuvres qu’il illustrait ? Rien ne l’atteste et la légende entourant l’artiste pourrait renforcer l’idée d’un travail rapidement croqué au coin du feu et lié à une connaissance rapide des textes. Heureusement le très récent article de Véronique Meyer, entièrement consacré à l’édition des Métamorphoses en rondeaux de 16762, apporte de nombreux éclairages liés à la carrière de Chauveau et aux enjeux stylistiques de l’édition de Benserade. En outre, la renommée du personnage, les commandes reçues pour des éditions remarquables du XVIIe siècle semblent aussi nuancer cette légende. Comment en effet être capable de saisir les enjeux de l’écrit si la lecture est rapide ? Comment savoir proposer la nécessaire et séduisante variété en se tenant éloigné de sa table de travail ? Les dessins conservés sont le plus souvent exécutés à la plume avec un lavis d’encre, ils sont soignés et lorsqu’ils ne traduisent pas toujours la pensée définitive de l’artiste qui se lit dans l’estampe, ils mettent en évidence les modifications que Chauveau effectuait habilement en gravant le cuivre.

      Avant de s’intéresser à l’œuvre de cet artiste, il nous paraît opportun de nous attarder sur les mots que lui consacrent ses contemporains qui les premiers ont dessiné les contours d’un portrait. C’est tout d’abord André Félibien qui présente Chauveau, mentionnant son travail auprès du peintre Laurent de La Hyre puis son passage à l’art de la gravure :

      Il s’appliqua ensuite à graver à l’eau-forte, trouvant dans cette sorte de travail un moyen aisé pour se contenter lui-même, et mettre au jour en peu de temps une grande quantité d’ouvrages. […] Il aimait beaucoup la lecture, principalement celle des poètes, et même faisait des vers assez facilement. Il avait l’imagination vive, et une mémoire merveilleuse, qualités qui lui donnaient beaucoup d’ouverture d’esprit, et une si grande abondance de pensées que les sujets ne lui coûtaient rien à inventer, et à disposer en autant de manières qu’on pouvait désirer.3

      Les adjectifs mélioratifs associés au superlatif contribuent d’emblée à un éloge qui très vite participe au déploiement d’une légende mettant en valeur la capacité d’inventio de Chauveau et signant une reconnaissance précoce. Elle se trouve rapidement confortée par Charles Perrault qui, dans ses Hommes illustres, inscrit le portrait de l’artiste dans les pas de Félibien :

      Personne n’a peut-être jamais eu une imagination plus féconde pour trouver et disposer des sujets de tableaux ; tout y était heureux pour la beauté du Spectacle, tout y était ingénieux pour la satisfaction de l’esprit, et il entrait dans ses dessins, encore plus de Poésie que de Peinture. Cela se peut vérifier dans le nombre presque infini d’ouvrages qu’il nous a laissé et particulièrement СКАЧАТЬ