Название: Meurtre au Manoir
Автор: Фиона Грейс
Издательство: Lukeman Literary Management Ltd
Жанр: Зарубежные детективы
isbn: 9781094305288
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“Pourquoi tu me demandes ça ?”
A l'instar de leur mère, Naomi avait fait vœu de silence à propos de Papa. Elle était jeune lorsqu'il était parti et soutenait n'avoir aucun souvenir de lui, alors pourquoi gaspiller autant d'énergie à ressasser son absence ? Un vendredi soir, après quelques verres de trop, elle avait avoué se souvenir parfaitement de lui, d'en rêver et d'avoir suivi une thérapie, à raison d’une séance hebdomadaire pendant trois ans, elle l'accusait rageusement d'avoir été la cause de ses déboires amoureux. Naomi s'était jetée à corps perdu dans des relations passionnées et tumultueuses dès l'âge de quatorze ans et en était toujours au même point. La vie sentimentale de Naomi lui donnait le tournis.
“Je les ai reçus. Les documents.”
“Oh, ma chérie. Je suis sincèrement désolée. Tu es … FRANKIE POSE ÇA IMMEDIATEMENT !”
Lacey fit la grimace et écarta son portable de l'oreille pendant que Naomi menaçait Frankie, s'il n'arrêtait pas ses bêtises.
“Désolée ma chérie,” Naomi avait retrouvé sa voix normale. “Ça peut aller ?”
“Ça va.” Lacey marqua une pause. “Non, ça va pas. Je suis à cran. Sur une échelle de un à dix, si je te dis 'je vais pas au boulot et je prends le prochain vol pour l'Angleterre', tu mets combien ?”
“Euh … onze ? Ils vont te virer.”
“Je demanderai un congé pour convenances personnelles.”
Lacey voyait presque Naomi faire les gros yeux.
“À Saskia ? Tu plaisantes ? Tu crois qu'elle va te l'accorder ? T'as oublié qu'elle t'a fait bosser à Noël l'année dernière ?”
Lacey se mordit les lèvres, consternée, un tic hérité de son père, d'après sa mère. “Je dois faire quelque chose, Naomi. J’étouffe.” Elle tira sur son col roulé, il lui faisait soudain l'effet d'un nœud coulant.
“Forcément. C'est compréhensible mais ne décide pas sur un coup de tête. Tu as préféré privilégier ta carrière au lieu de te consacrer à David. Ne gâche pas tout.”
Lacey réfléchissait, visiblement contrariée. Naomi se permettait de tirer des conclusions ?
“Je n’ai pas privilégié ma carrière. Il m'a posé un ultimatum.”
“Prends ça comme tu veux, Lacey mais … FRANKIE ! FRANKIE JE TE JURE …”
Lacey était arrivée au bureau. “Au revoir, Naomi,” soupira-t-elle.
Elle raccrocha et contempla l'immense édifice en briques auquel elle avait consacré quinze ans de sa vie. Quinze ans pour le travail. Quatorze ans pour David. Et elle dans tout ça ? Des vacances. Un retour aux sources. Une semaine. Quinze jours. Un mois tout au plus.
Lacey pénétra dans l'immeuble, plus déterminée que jamais. Saskia aboyait des ordres à une stagiaire terrorisée devant un ordinateur. Lacey leva la main pour l'interrompre avant même que sa patronne ouvre la bouche.
“Je prends un congé pour convenances personnelles.”
Elle eut le temps d'apercevoir Saskia froncer les sourcils, puis, elle tourna les talons et partit comme elle était venue.
Cinq minutes plus tard, Lacey réservait un vol pour l'Angleterre.
CHAPITRE DEUX
“Tu es folle à lier, sœurette.”
“C'est du grand n'importe quoi ma chérie.”
“Tata Lacey va bien ?”
Les paroles de Naomi, Maman et Frankie tournaient en boucle dans sa tête à sa descente sur le tarmac d'Heathrow. Elle devait être folle pour oser prendre le premier vol au départ de JFK, se taper sept heures de vol avec pour seul valise son sac à main, ses soucis et un sac bourré de vêtements et d’articles de toilette achetés à l’aéroport. Tirer un trait sur Saskia, New York et David la rendait euphorique. Elle se sentait jeune. Insouciante. Téméraire. Courageuse. Elle était redevenue la Lacey Doyle AD (Avant David).
Elle avait annoncé son départ pour l'Angleterre à sa famille au pied levé – par téléphone, rien que ça – mais avait nettement moins rigolé, ils avaient tous la mauvaise habitude de dire tout haut ce qu'ils pensaient tout bas.
“Et si tu te fais renvoyer ?” s'était écriée Maman.
“Oh, elle sera renvoyée, c'est sûr,” avait renchéri Naomi.
“Tata Lacey fait une dépression ?” avait demandé Frankie.
Lacey les imaginait tous les trois autour de la table, à tout faire pour qu'elle se remette les idées en place. C'était faux, bien sûr. En tant que proches, il était de leur devoir qu'elle prenne conscience des dures réalités de la vie. Qui d'autre sinon, pour l'accompagner dans ce plongeon dans l'inconnu post-AD — après David ?
Lacey traversa le hall, emboîtant le pas aux passagers endormis. Le crachin anglais menaçait. Vive le printemps. Lacey réfléchissait, les cheveux frisés par l’humidité. Elle avait atteint le point de non-retour, après sept heures de vol et délestée de quelques centaines de dollars.
Le terminal était un immense bâtiment semblable à une serre, acier et verre bleuté, surmonté d’une coupole de folie. Lacey pénétra dans la salle rutilante et pavée – décorée de fresques cubistes offertes par la fameuse British Building Society – et fit la queue au contrôle des passeports. Son tour arrivé, Lacey tendit son passeport à l’agent de la police des frontières, une blonde renfrognée aux épais sourcils noirs.
“Motif de la visite ? Affaires ou vacances ?”
La douanière avait un accent prononcé, aux antipodes de l'accent chantant des acteurs britanniques que Lacey adorait regarder lors de ses émissions préférées en deuxième partie de soirée.
“Je suis en vacances.”
“Vous n'avez pas de billet de retour.”
Lacey mit un moment avant de comprendre la douanière, probablement fâchée avec la grammaire. “Je n'ai pas de date retour.”
La douanière fronça ses gros sourcils noirs, d'un air visiblement suspicieux. “Vous devez être en possession d'un visa si vous comptez travailler.”
Lacey répondit par la négative. “Je n'ai pas du tout l’intention de travailler. Je viens de divorcer. J'ai besoin de temps, de prendre du recul, faire le vide, me goinfrer de glace en regardant des films nazes.”
L'expression de la douanière s'adoucit aussitôt, Lacey eu la nette impression qu’elle faisait elle aussi partie du Club des Divorcées.
Elle rendit son passeport à Lacey. “Profitez bien de votre séjour et haut les cœurs, ok ?”
Lacey ravala la petite boule qui s'était СКАЧАТЬ