Les trois Don Juan. Guillaume Apollinaire
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Название: Les trois Don Juan

Автор: Guillaume Apollinaire

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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      «Miséricorde! Au secours! À l'assassin!

      –Je t'avais prévenu, drôle!

      –Levita! Levita! Vieux camarade!»

      Mais Levita se tenait prudemment dans un coin. Nul doute qu'à montrer son courage comme combattant il ne préférât intervenir plus tard comme médecin.

      Soudain, Don Jorge fit un moulinet terrible qui s'en vint frapper le squelette ballant au sommet duquel se tenait perché le hibou.

      Celui-ci, effrayé, secoua ses ailes. Une poussière lourde s'en dégagea, obscurcissant l'atmosphère. Peut-être l'animal n'avait-il pas bougé depuis plusieurs années. L'oiseau nocturne volait, comme fou, à travers la chambre, montant, descendant, heurtant les squelettes, dispersant les paperasses, mêlant ses ululements funèbres au concert des voix humaines. Il faut dire que Barbara, enfin accourue, poussait des hurlements semblables à ceux des chiens qui aboient à la mort.

      Enfin le hibou, fatigué, s'arrêta pour prendre contact avec un objet solide. Mais lequel, grands dieux! Ainsi que l'arche sainte se posant, après le déluge, au sommet du mont Ararat, l'oiseau s'agrippa solidement au crâne de l'exaspéré Don Jorge.

      Celui-ci s'enfuit épouvanté, les bras en l'air, renversant tout sur son passage. Les objets fragiles se brisaient: Patatras! Catacri! Gressecrec! La comtesse se précipita sur sa trace. Ce ne fut que sur le seuil que, de son épée tirée, Don Jorge réussit à faire lâcher prise à l'antique volatile qu'offusquait, du reste, la lumière du jour.

      «Quelle caverne, criait-il. La peste soit à Levita! Le diable emporte Jacobi! Quant à ce hibou!…»

      La nuit tombait. Don Jorge accompagna chez elle sa belle-sœur.

      «Les moines sont des fanatiques, les médecins des ânes, les astrologues des menteurs… Faire du chagrin à ma charmante, charmante belle-sœur. Je ne le souffrirai pas…»

      Et, ce disant, le vieux galantin, dans l'ombre propice, passait son bras épais autour de la taille gracile de Doña Clara.

      Mais celle-ci tournait déjà dans la serrure la petite clef d'or de la porte secrète par laquelle elle s'était échappée.

      «Donnez-moi un baiser afin que je garde le secret, poursuivait Don Jorge…

      –Un baiser! beau-frère, vous n'êtes qu'un vieux polisson. Tenez, voici pour secouer la poussière du hibou!»

      Et, poussant la porte, elle frappa d'un léger coup d'éventail le nez enluminé du soudard.

      CHAPITRE II

      LA PREMIÈRE MAÎTRESSE DE DON JUAN

      Discours de Don Jorge.—Les trois courtisanes.—Les préparatifs.—Jalousie de Niceto.—Les avances de la Pandora.—Le festin.—Les danseuses nues.—La petite Monique.—Le baiser.—L'altercation.—La bagarre.—Le duel aux flambeaux.—Niceto blessé.—Rivalité de femmes.—Première nuit d'amour.—Mort de Niceto.

      À dix-sept ans, Don Juan était dans la fleur de la beauté.

      «Décidément, dit un matin Don Jorge à son neveu, tu ne peux pas en rester là. Tu as eu la plus brillante éducation des Espagnes, des maîtres de toutes les langues, vivantes ou mortes, de mathématiques, de littérature et même de poésie et de musique, bref, tu es endoctriné dans les sept arts. Tu as dix-sept ans, ta moustache commence à pousser, tu montes à cheval comme Don Alexandre, l'empereur des Grecs, tu manies la lance aussi bien que Bernal del Carpio et la rapière mieux que moi, tu es beau garçon, du reste, et point sot. Il est indécent que tu n'aies pas une maîtresse.

      –Une maîtresse! Une maîtresse! répétait Juan effaré.

      –Tu es novice, mais non moine! De mon côté, j'ai la prétention de n'être point pédant. Si la famille me déshérita, ce n'est point sans quelques bons motifs. Nous sommes l'un et l'autre gentilshommes, bons parents et bons amis. Je te dois les lumières de mon expérience.

      «Tu vas entrer dans le monde. Il t'y faut mettre sur un bon pied. Un homme bien né se reconnaît à deux qualités: la galanterie et la bravoure.

      «Si nous avions quelque belle guerre, je t'amènerais avec moi et t'engagerais à monter le premier sur la brèche. Mais, hélas! il ne se livre plus de grande bataille. Ce bon temps est passé! Mon capitaine est mort, et il a emporté la gloire dans son tombeau.

      «A un gentilhomme de la qualité, il n'est donc plus permis que de chercher querelle personnelle, et pour cela rien ne vaut les intrigues de l'amour.»

      Don Rinalte, chez lequel l'oncle comptait le soir même conduire son neveu, était un excellent homme, aimant la joie pour lui et les autres. Riche de son patrimoine, il possédait en outre une des meilleures commanderies d'Alcantara. Il dépensait convenablement sa fortune, mangeant le revenu sans trop entamer l'avenir, magnifique avec une certaine sagesse. Il donnait les meilleurs repas de Séville, chère délicate, vins choisis, service splendide, et en prenait sa bonne part.

      C'était un fin mangeur et un buveur de premier ordre. Il avait une vraie nature de taureau, calme, lente, puissante, terrible dans sa colère.

      Don Niceto Iglesias, l'autre convive, était un garçon fort chatouilleux sur le point d'honneur. Il avait pour le tapage un goût singulier. Parfait gentilhomme du reste, fort élégant de sa personne et brûlant son bien par les deux bouts, les femmes l'adoraient autant que les hommes le craignaient.

      «Je le crois, dit Jorge à Juan, d'accord avec la Pandora, une des courtisanes que tu verras ce soir.

      «Pandora est un nom mythologique que sa beauté lui a fait donner en Italie où elle fut se former. Une fille superbe à voir, mais rien de plus. Elle n'a pas l'ombre de cœur, mais ce n'est pas son métier d'en avoir. Il n'y a pas à espérer lui plaire. L'amour est avec elle une affaire d'argent.

      «Don Niceto ayant pris les devants, il ne serait du reste pas convenable d'aller sur ses brisées. Si elle te plaît, tu prendras date. Mais tu ferais bien, en ce cas, de me consulter sur les arrangements. Hélas! mon cher neveu, j'ai l'expérience!

      «Pour les deux autres, Soledad et la Magdalena, je n'ai pas besoin de te dire qu'elles sont occupées. L'une, Soledad, appartient à Don Rinalte; quant à l'autre, c'est ma maîtresse. J'ai passé la soixantaine, mais le jarret est bon et l'œil vif. Tu les dois respecter également, puisque Don Rinalte est ton hôte et que je suis ton oncle.

      «Cependant, petit neveu, tu es libre, au moins à mon égard. J'ai trop d'expérience pour donner dans la jalousie et je t'aime trop pour le chagriner à l'occasion d'une femme.

      «Je doute du reste que la Magdalena te convienne. C'est une fort jolie personne, mais un peu niaise, pour ne pas dire bête. Sa gaucherie, qui m'amuse, t'ennuierait probablement.

      «Et puis, elle n'a que seize ans. C'est de mon goût, mais trop jeune pour toi. Une personne un peu mûre serait mieux appropriée à ta fringante jeunesse.

      «Rien ne forme les jeunes gens comme la société des courtisanes. Elles ne hantent, du moins à ma connaissance, que des gens comme il faut, titrés, riches, chevaliers et, parmi le clergé, jamais moins que des chanoines. Près d'elles un bourgeois perdrait ses écus et un moine son latin. Écoute, regarde et profite donc. Prends un costume avantageux; ces dames sont reines de la mode. Si, elles te découvrent joli, les autres te trouveront charmant.

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