Название: La méchante femme mise à la raison
Автор: Уильям Шекспир
Издательство: Public Domain
Жанр: Драматургия
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PREMIER SERVITEUR. – Dites seulement que vous voulez chasser à courre, vos lévriers sont aussi rapides qu'un cerf en haleine; oui, plus légers que la chevrette.
SECOND SERVITEUR. – Aimez-vous les tableaux? Nous allons sur-le-champ vous apporter un Adonis couché près d'un ruisseau fugitif, et une Vénus cachée dans les roseaux, qui semblent s'agiter et folâtrer sous son haleine, de même que les roseaux flexibles jouent au souffle du vent.
LE LORD. – Nous vous montrerons Io, alors que vierge encore elle fut séduite et surprise, dans un tableau d'une peinture aussi vivante que l'action même.
TROISIÈME SERVITEUR. – Ou Daphné, errant à travers un fourré d'épines qui déchirent ses jambes; le sang et les larmes sont peints avec tant d'art qu'on jurerait que le sang coule et que le triste Apollon pleure avec naturel et vérité.
LE LORD. – Vous êtes un lord, et rien qu'un lord; vous avez une épouse plus belle qu'aucune femme de ce siècle dégénéré.
PREMIER SERVITEUR. – Avant que les larmes qu'elle a versées pour vous eussent inondé son séduisant visage comme des torrents ennemis, c'était la plus belle créature de l'univers; et même encore elle ne le cède en beauté à aucune de son sexe.
SLY. – Suis-je un lord? Est-il vrai que je possède une telle femme? ou bien est-ce un rêve que je fais? ou ai-je rêvé jusqu'à ce jour? Je ne dors pas; je vois, j'entends, je parle; je sens ces suaves odeurs, et mes mains sont sensibles à la douceur de ce toucher. – Sur ma vie, je suis un lord en effet, et non pas un chaudronnier, ni Christophe Sly. – Allons amenez-nous notre femme, que nous la voyions; et encore un coup, un pot de petite bière.
SECOND SERVITEUR. – Plairait-il à Votre Grandeur de se laver les mains? (Les valets lui présentent une aiguière, un bassin et une serviette.) Oh! que nous sommes joyeux de voir votre raison revenue! Oh! puissiez-vous reconnaître de nouveau ce que vous êtes! Voilà quinze ans que vous êtes plongé dans un songe continuel; ou, quand vous vous éveilliez, votre veille ressemblait à votre sommeil.
SLY. – Quinze ans! Par ma foi, c'est là une bonne méridienne. Mais, n'ai-je jamais parlé pendant tout ce temps?
PREMIER SERVITEUR. – Oui, milord; mais des mots vagues et dénués de sens: car, quoique vous fussiez couché ici dans ce bel appartement, vous disiez toujours qu'on vous avait mis à la porte, et vous vous querelliez avec l'hôtesse du logis; et vous disiez que vous la citeriez à la cour de justice, parce qu'elle vous avait apporté des cruches de grès au lieu de bouteilles bouchées. Quelquefois vous appeliez Cécile Hacket.
SLY. – Oui, la servante de la cabaretière.
TROISIÈME SERVITEUR. – Allons donc, milord; vous ne connaissez ni ce cabaret, ni cette fille, ni tous ces hommes que vous nommiez, – comme Étienne Sly, et le vieux Jean Naps de Grèce, et Pierre Turf, et Henri Pimprenel, et vingt autres noms de cette sorte qui n'ont jamais existé et qu'on n'a jamais vus.
SLY. – Allons, que Dieu soit loué de mon heureux rétablissement!
TOUS. – Ainsi soit-il!
SLY. – Je t'en remercie; va, tu n'y perdras rien.
(Entre le page déguisé en femme avec une suite.)
LE PAGE. – Comment va mon noble lord?
SLY. – Ma foi, je me porte à merveille, car voilà assez de bonne chère. Où est ma femme?
LE PAGE. – Me voici, noble lord: que désirez-vous d'elle?
SLY. – Vous êtes ma femme, et vous ne m'appelez pas… votre mari? mes gens ont beau m'appeler milord, je suis votre bonhomme.
LE PAGE. – Mon mari et mon lord, mon lord et mon mari; je suis votre épouse, prête à vous obéir en tout.
SLY. – Je le sais bien. – Comment faut-il que je l'appelle?
LE LORD. -Madame.
SLY. – Madame Lison, ou madame Jeanneton?
LE LORD. -Madame tout court: c'est le nom que les lords donnent à leurs épouses.
SLY. – Madame ma femme, ils disent que j'ai rêvé et dormi plus de quinze ans entiers.
LE PAGE. – Hélas! oui, et ce temps m'a paru trente ans à moi, ayant été tout ce temps éloignée de votre lit.
SLY. – C'est beaucoup. – Mes gens, laissez-moi seul avec elle. – Madame, déshabillez-vous, et venez tout à l'heure vous coucher.
LE PAGE. – Très-noble lord, souffrez que je vous supplie de m'excuser encore pour une ou deux nuits, ou du moins jusqu'à ce que le soleil soit couché. Vos médecins m'ont expressément recommandé de m'absenter encore de votre lit, si je ne veux m'exposer au danger de vous faire retomber dans votre maladie: j'espère que cette raison me servira d'excuse auprès de vous.
SLY. – Allons, dans l'état où je suis il me sera difficile d'attendre si longtemps, mais d'un autre côté je ne voudrais pas retomber dans mes premiers rêves: ainsi, j'attendrai donc, en dépit de la chair et du sang.
(Entre un domestique.)
LE DOMESTIQUE. – Les comédiens de Votre Honneur ayant été informés de votre rétablissement sont venus pour vous régaler d'une fort jolie comédie, car nos docteurs sont d'avis que ce divertissement est très-bon à votre santé, voyant que c'était un amas de mélancolie qui avait épaissi votre sang, et la mélancolie est mère de la frénésie: ainsi ils vous conseillent d'assister à la représentation d'une pièce, et d'accoutumer votre âme à la gaieté et au plaisir; remède qui prévient mille maux et prolonge la vie.
SLY. – Diantre, je le veux bien; une comerdie7, n'est-ce pas une danse de Noël, ou des cabrioles?
LE PAGE. – Non, mon bon seigneur, c'est d'une étoffe8 plus agréable.
SLY. – Quoi! d'une étoffe de ménage?
LE PAGE. – C'est une espèce d'histoire.
SLY. – Allons, nous la verrons. Venez, madame ma femme; asseyez-vous à mes côtés, et laissez rouler le monde; nous ne serons jamais plus jeunes.
(Ils s'asseyent.)
ACTE PREMIER
SCÈNE СКАЧАТЬ
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