Название: Beaucoup de Bruit pour Rien
Автор: Уильям Шекспир
Издательство: Public Domain
Жанр: Драматургия
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DON JUAN. – Je vous remercie: je ne suis point un homme à longs discours; je vous remercie.
LÉONATO. – Plaît-il à Votre Altesse d'ouvrir la marche?
DON PÈDRE. – Léonato, donnez-moi la main; nous irons ensemble.
CLAUDIO. – Bénédick, avez-vous remarqué la fille du seigneur Léonato?
BÉNÉDICK. – Je ne l'ai pas remarquée, mais je l'ai regardée.
CLAUDIO. – N'est-ce pas une jeune personne modeste?
BÉNÉDICK. – Me questionnez-vous sur son compte, en honnête homme, pour savoir tout simplement ce que je pense, ou bien voudriez-vous m'entendre parler, suivant ma coutume, comme le tyran déclaré de son sexe?
CLAUDIO. – Non: je vous prie, parlez sérieusement.
BÉNÉDICK. – Eh bien! en conscience, elle me paraît trop petite pour un grand éloge, trop brune pour un bel éloge4. Toute la louange que je peux lui accorder, c'est de dire que si elle était tout autre qu'elle est, elle ne serait pas belle; étant ce qu'elle est, elle ne me plait pas.
CLAUDIO. – Vous croyez que je veux rire. Je vous en prie, dites-moi sincèrement comment vous la trouvez.
BÉNÉDICK. – Voulez-vous en faire emplette, que vous preniez des informations sur elle?
CLAUDIO. – Le monde entier suffirait-il à payer un pareil bijou?
BÉNÉDICK. – Oh! sûrement, et même encore un étui pour le mettre. – Mais parlez-vous sérieusement, ou prétendez-vous faire le mauvais plaisant pour nous dire que l'amour sait très-bien trouver des lièvres, et que Vulcain est un habile charpentier? Allons, dites-nous sur quelle gamme il faut chanter pour être d'accord avec vous?
CLAUDIO. – Elle est à mes yeux la plus aimable personne que j'aie jamais vue.
BÉNÉDICK. – Je vois encore très-bien sans lunettes, et je ne vois rien de cela: il y a sa cousine qui, si elle n'était pas possédée d'une furie, la surpasserait en beauté autant que le premier jour de mai l'emporte sur le dernier jour de décembre; mais j'espère que vous n'avez pas dans l'idée de vous faire mari? Serait-ce votre intention?
CLAUDIO. – Quand j'aurais juré le contraire, je me méfierais de moi-même, si Héro voulait être ma femme.
BÉNÉDICK. – En êtes-vous là? d'honneur? Quoi! n'est-il donc pas un homme au monde qui veuille porter son bonnet sans inquiétude? Ne reverrai-je de ma vie un garçon de soixante ans? Allez, puisque vous voulez absolument vous mettre sous le joug, portez-en la triste empreinte, et passez les dimanches à soupirer. – Mais voilà don Pèdre qui revient vous chercher lui-même.
DON PÈDRE. – Quel mystère vous arrêtait donc ici, que vous ne nous ayez pas suivis chez Léonato?
BÉNÉDICK. – Je voudrais que Votre Altesse m'obligeât à le lui dire.
DON PÈDRE. – Je vous l'ordonne, sur votre fidélité.
BÉNÉDICK. – Vous entendez, comte Claudio. Je puis être aussi discret qu'un muet de naissance, et c'est là l'idée que je voudrais vous donner de moi. – Mais sur ma fidélité: remarquez-vous ces mots: Sur ma fidélité. – Il est amoureux. De qui? Ce serait maintenant à Votre Altesse à me faire la question. Observez comme la réponse est courte. – D'Héro, la courte fille de Léonato.
CLAUDIO. Si la chose était, il vous l'aurait bientôt dit.
BÉNÉDICK. – C'est comme le vieux conte, monseigneur: «Cela n'est pas, cela n'était pas.» Mais en vérité, à Dieu ne plaise que cela arrive!
CLAUDIO. – Si ma passion ne change pas bientôt, à Dieu ne plaise qu'il en soit autrement!
DON PÈDRE. – Ainsi soit-il! si vous l'aimez; car la jeune personne en est bien digne.
CLAUDIO. – Vous parlez ainsi pour me sonder, seigneur.
DON PÈDRE. – Sur mon honneur, j'exprime ma pensée.
CLAUDIO. – Et sur ma parole, j'ai exprimé la mienne.
BÉNÉDICK. – Et moi, sur mon honneur et sur ma parole, j'ai dit ce que je pensais.
CLAUDIO. – Je sens que je l'aime.
DON PÈDRE. – Je sais qu'elle en est digne.
BÉNÉDICK. – Je ne sens pas qu'on doive l'aimer, je ne sais pas qu'elle en soit digne, c'est là l'opinion que le feu ne pourrait détruire en moi. Je mourrai dans mon dire sur l'échafaud.
DON PÈDRE. – Tu fus toujours un hérétique obstiné à l'endroit de la beauté.
CLAUDIO. – Et jamais il n'a pu soutenir son rôle que par la force de sa volonté.
BÉNÉDICK. – Qu'une femme m'ait conçu, je l'en remercie; je lui adresse aussi mes humbles remerciements pour m'avoir élevé; mais je refuse de porter sur mon front une corne pour appeler les chasseurs, ou suspendre mon cor de chasse à un baudrier invisible; c'est ce que toutes les femmes me pardonneront. Comme je ne veux pas leur faire l'affront de me défier d'une seule, je me rends la justice de ne me fier à aucune; et ma peine (dont je ne serai que plus présentable) sera de vivre garçon.
DON PÈDRE. – Avant que je meure, je veux te voir pâle d'amour.
BÉNÉDICK. – De maladie, de faim ou de colère, seigneur; mais jamais d'amour. Prouvez une fois que l'amour me coûte plus de sang que le vin ne m'en saurait rendre, et alors je vous permets de me crever les yeux avec la plume d'un faiseur de ballades, et de me suspendre à la porte d'un mauvais lieu comme l'enseigne de l'aveugle Cupidon.
DON PÈDRE. – Bien! si jamais tu trahis ce voeu, tu nous fourniras un fameux argument.
BÉNÉDICK. – Si je le trahis, pendez-moi comme un chat dans une bouteille5, et tirez-moi dessus; et qu'on frappe sur l'épaule à celui qui me touchera en l'appelant Adam6.
DON PÈDRE. – Allons, le temps en décidera: Avec le temps, le buffle sauvage en vient à porter le joug.
BÉNÉDICK. – Le buffle sauvage, oui; mais si le sensé Bénédick porte jamais un joug, arrachez les cornes du buffle, et plantez-les sur mon front; qu'on fasse de moi un tableau grossier, et, en lettres aussi grosses que celles où l'on écrit: Ici, bon cheval à louer, faites tracer sur ma figure: Ici, on peut voir Bénédick, l'homme marié.
CLAUDIO. – Si jamais cela t'arrive, tu seras fou à lier.
DON PÈDRE. – Bon! si Cupidon n'a pas épuisé son carquois dans Venise, il te fera bientôt trembler.
BÉNÉDICK. – Je m'attends aussitôt à un tremblement de terre.
DON PÈDRE. – Eh bien! temporisez d'heure en heure; mais cependant, seigneur Bénédick, rendez-vous chez Léonato, faites-lui mes СКАЧАТЬ
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Dans quelques provinces d'Angleterre, on enfermait autrefois un chat avec de la suie dans une bouteille de bois (semblable à la gourde des bergers), et on la suspendait à une corde. Celui qui pouvait en briser le fond en courant, et être assez adroit pour échapper à la suie et au chat qui tombait alors, était le héros de ce divertissement cruel.
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Adam Bell, fameux archer.