Les contemplations. Autrefois, 1830-1843. Victor Hugo
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Название: Les contemplations. Autrefois, 1830-1843

Автор: Victor Hugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ d'alexandrins carrés,

      Je fis souffler un vent révolutionnaire.

      Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.

      Plus de mot sénateur! plus de mot roturier!

      Je fis une tempête au fond de l'encrier,

      Et je mêlai, parmi les ombres débordées,

      Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées;

      Et je dis: Pas de mot où l'idée au vol pur

      Ne puisse se poser, tout humide d'azur!

      Discours affreux! – Syllepse, hypallage, litote,

      Frémirent; je montai sur la borne Aristote,

      Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.

      Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,

      Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et les Daces,

      N'étaient que des toutous auprès de mes audaces;

      Je bondis hors du cercle et brisai le compas.

      Je nommai le cochon par son nom; pourquoi pas?

      Guichardin a nommé le Borgia! Tacite

      Le Vitellius! Fauve, implacable, explicite,

      J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier

      D'épithètes; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,

      Je fis fraterniser la vache et la génisse,

      L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.

      Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra;

      Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira;

      Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole;

      L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole;

      Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.

      On entendit un roi dire: «Quelle heure est-il?»

      Je massacrai l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,

      Je retirai le jais de la prunelle noire,

      Et j'osai dire au bras: Sois blanc, tout simplement.

      Je violai du vers le cadavre fumant;

      J'y fis entrer le chiffre; ô terreur! Mithridate

      Du siége de Cyzique eût pu citer la date.

      Jours d'effroi! les Laïs devinrent des catins.

      Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

      Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,

      Portaient encor perruque; à cette chevelure

      La Révolution, du haut de son beffroi,

      Cria: «Transforme-toi! c'est l'heure. Remplis-toi

      De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière!»

      Et la perruque alors rugit, et fut crinière.

      Liberté! c'est ainsi qu'en nos rébellions,

      Avec des épagneuls nous fîmes des lions,

      Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,

      Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.

      J'affichai sur Lhomond des proclamations.

      On y lisait: «Il faut que nous en finissions!

      Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes

      À la pensée humaine ils ont mis les poucettes.

      Aux armes, prose et vers! formez vos bataillons!

      Voyez où l'on en est: la strophe a des bâillons!

      «L'ode a les fers aux pieds, le drame est en cellule.

      Sur le Racine mort le Campistron pullule!»

      Boileau grinça des dents; je lui dis: Ci-devant,

      Silence! et je criai dans la foudre et le vent:

      Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe!

      Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,

      On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.

      Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,

      Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,

      Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.

      La syllabe, enjambant la loi qui la tria,

      Le substantif manant, le verbe paria,

      Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.

      On les vit déterrer le songe d'Athalie;

      Ils jetèrent au vent les cendres du récit

      De Théramène; et l'astre Institut s'obscurcit.

      Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,

      Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,

      Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant

      Les choses dans un style énorme et rugissant,

      L'Art poétique pris au collet dans la rue,

      Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,

      Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,

      La lettre aristocrate à la lanterne esprit.

      Oui, je suis ce Danton! je suis ce Robespierre!

      J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,

      Insurgé le vocable ignoble, son valet,

      Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.

      Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.

      J'ai pris et démoli la bastille des rimes.

      J'ai fait plus: j'ai brisé tous les carcans de fer

      Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer

      Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales;

      J'ai de la périphrase écrasé les spirales,

      Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel

      L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel;

      Et je n'ignorais pas que la main courroucée

      Qui délivre le mot, délivre la pensée.

      L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.

      Tout est la même flèche et frappe au même but.

      Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,

      Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.

      Vous devez être vieux, par conséquent, papa,

      Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.

      Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.

      La langue était en ordre, auguste, époussetée,

      Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,

      Les quarante fauteuils et le trône au milieu;

      Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,

      Même un peu cassé tout; le mot propre, ce rustre,

      N'était que caporal: je l'ai fait colonel;

      J'ai fait un jacobin du pronom personnel;

      Du participe, esclave à la tête blanchie,

      Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

      Vous tenez le reum consitentem. Tonnez!

      J'ai dit à la narine: Eh mais! tu n'es qu'un nez!

      J'ai dit au long fruit d'or: Mais tu n'es qu'une poire!

      J'ai dit à Vaugelas: СКАЧАТЬ