Faust. Johann Wolfgang von Goethe
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Название: Faust

Автор: Johann Wolfgang von Goethe

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ rêve l'éternité dans son délire; mais un étroit espace lui suffit, lorsque le gouffre a dévoré toutes ses joies et toutes ses espérances. L'inquiétude se vient loger au fond de notre cœur; elle y produit des douleurs secrètes; elle le travaille sans relâche, et y détruit le plaisir et le repos: elle prend tour-à-tour mille masques divers; c'est tantôt la cour, tantôt une femme; puis un enfant, une maison, le feu, la mer, un poignard, du poison. L'homme tremble devant tout ce qui ne l'atteindra pas, et pleure continuellement ce qu'il n'a point perdu.

      Non, je ne ressemble pas à un Dieu, abjecte créature que je suis! C'est au ver, que je ressemble; au ver, qui se traîne dans la poussière, et que le pied du voyageur, pendant qu'il se nourrit de poussière, écrase et anéantit.

      N'est-ce point en effet de la poussière tout ce que ces hautes murailles portent ici sur mille tablettes? N'est-ce point un monde de vers que j'habite?.. Et j'y trouverais ce qui me manque? Je dois lire apparemment ces monceaux de volumes, pour y voir comment partout les hommes se sont tourmentés, comment s'est montré de temps à autre un heureux!.. Pauvre crâne vide, que me veux-tu dire avec ton grincement hideux? Hé bien, quoi! tu as vécu jadis, et ton cerveau a erré comme le mien: il a cherché le grand jour, il a couru après la vérité; et son ardeur s'est éteinte misérablement dans les ténèbres. Instruments, vous vous raillez de moi avec vos roues et vos dents, vos anses et vos cylindres. J'étais à la porte, que ne me serviez-vous de clefs? Peu de clefs, il est vrai, sont aussi artistement travaillées que vous l'êtes; mais vous ne levez aucun verrou. Mystérieuse jusque dans l'éclat du jour, la nature ne se laisse pas arracher son voile; et ce qu'elle veut cacher à notre esprit, il n'est levier ni vis qui nous le puisse découvrir. Vieil attirail, dont je ne fis jamais le moindre usage, tu n'es là que parce qu'autrefois tu servis à mon père. Antique poulie, la fumée de ma lampe t'a noircie… j'ai tant veillé devant ce pupitre! Mieux eût valu cent fois dissiper le peu que j'ai, que de pâlir courbé sous le poids de ce peu. Ce qu'on a hérité de son père, il faut s'en servir ou le vendre: car ce qui n'est utile à rien, est un pesant fardeau; et rien n'est utile, que ce que l'esprit féconde.

      Mais pourquoi mon regard se dirige-t-il vers cette place? Ce flacon est-il donc un aimant pour mes yeux? D'où vient que j'y vois clair tout-à-coup? Quelle lueur inattendue pénètre dans mon âme, comme, dans une forêt couverte et sombre, un rayon égaré de la lune?

      Je te salue, ô fiole, qu'avec un pieux respect je prends entre mes mains! En toi seule j'honore l'esprit et la science humaine. Essence des sucs les plus doux, de ceux qui procurent le sommeil, tu contiens toutes les forces qui tuent; accorde à ton maître tes précieuses faveurs. En te regardant, je sens mes douleurs s'endormir; en te saisissant, mon agitation se calme et disparaît; de moment en moment, le trouble de mes esprits se dissipe. Je suis entraîné vers la haute mer, les flots limpides brillent à mes pieds comme un miroir, sur de nouvelles plages éclate un jour nouveau.

      Un char de feu, garni d'ailes légères, s'arrête auprès de moi. Ce char ailé va m'ouvrir de nouvelles routes à travers les espaces éthérés, dans ces sphères sereines, où l'activité ne rencontre rien qui l'entrave. Mais une existence si ravissante, de si divines extases, comment, chétif insecte, les as-tu méritées?.. Oui, oui, détourne-toi seulement avec courage de ce doux soleil, qui éclaire notre monde; ose enfoncer ces portes, d'où chacun se recule en frémissant. Il est temps de prouver que la dignité de l'homme ne le cède en rien à la gloire des Dieux. Ne tremble plus devant ce gouffre mystérieux, où l'imagination se condamne à des tortures qu'elle inventa; marche vers cette avenue, dont l'issue étroite vomit les flammes de l'enfer; accomplis avec calme ton dessein… au risque même d'être anéanti.

      Toi, sors maintenant de ton vieil étui, coupe d'un cristal pur, à laquelle il y a tant d'années que je n'ai songé! Tu brillais jadis aux festins de mes aïeux, et ton apparition déridait aussitôt leurs fronts chargés d'ennuis. Chacun d'eux à son tour, te prenant dans ses mains, s'imposait la loi de célébrer en vers la beauté des figures que l'artiste a ciselées sur tes bords, puis de te vider d'un seul trait. Tu me fais souvenir des nuits de ma jeunesse… Hélas! je n'ai plus de convive à qui je puisse t'offrir, il n'y a plus d'assemblée pour applaudir à mes chansons. La liqueur, qui te remplit, enivre vite; elle est épaisse et noirâtre: je l'ai préparée, je la choisis. Que cette boisson, la dernière de toutes, me serve de libation solennelle: je la consacre à l'aurore d'un jour nouveau!

      (Il approche la coupe de ses lèvres. On entend le son des cloches et le chant des chœurs.)

CHŒUR DES ANGES

      Christ est ressuscité.

      Paix à l'âme immortelle,

      Qui garde encore en elle

      La tache originelle

      De son iniquité!

FAUST

      Quels tintements sourds, quels tons éclatants, viennent arracher la coupe à mes lèvres avides? Cloches retentissantes, sonnez-vous déjà la première heure de la fête de Pâques? Chœurs, entonnez-vous déjà ces chants de consolation, qui percèrent jadis la nuit du tombeau, quand la voix des Anges s'éleva pour annoncer la nouvelle alliance?

CHŒUR DES FEMMES

      D'huiles nouvelles

      Oignant son front pâli,

      Nous, ses fidèles,

      L'avions enseveli.

      Hier encore

      Nous étions là, couvrant de fins tissus

      Ses membres nus;

      Voici l'aurore,

      Et Christ, hélas! Christ ne s'y trouve plus.

CHŒUR DES ANGES

      Christ est ressuscité,

      Heureuse l'âme pure

      Qui souffre sans murmure,

      Et supporte l'injure

      Avec humilité!

FAUST

      Chants célestes, puissants et doux, pourquoi me cherchez-vous dans la poussière? Faites-vous entendre aux hommes que vous touchez encore. Mon oreille saisit, aussi bien que la leur, le message que vous apportez; mais la foi me manque, et le miracle est l'enfant chéri de la foi. Je n'ose aspirer à cette région, d'où descend la bonne nouvelle… Et toutefois, accoutumé dès l'enfance à vos sons, ils me rappellent à la vie malgré moi. Jadis un baiser de l'amour divin me ravissait aux cieux, pendant la solennité grave et paisible du dimanche! La lente harmonie des cloches, berçant alors mon âme, l'agitait de doux pressentiments; et la prière était pour moi une jouissance ardente. Des désirs d'une pureté incroyable s'emparaient de moi, et m'entraînaient à parcourir les bois et les prairies; je versais de délicieuses larmes, j'entrevoyais un monde de bonheur. Ces chants préludaient aux ébats joyeux de la jeunesse, ils ouvraient l'aimable fête du printemps… Même à présent leur souvenir, si plein d'émotions enfantines, me fait reculer devant le pas que j'allais franchir. Oh! faites-vous entendre encore, chants célestes et doux! Une larme coule, la terre m'a reconquis.

CHŒUR DES DISCIPLES

      De sa tombe funeste

      Quittant l'obscurité,

      Vers la voûte céleste

      Christ est monté.

      Son âme prisonnière

      Renaît à la lumière,

      Pour ne jamais mourir;

      Las! et nous, pour souffrir,

      Nous restons sur la terre.

      Entre tous ses élus

      Nous qu'il aima le plus,

      Il nous laisse en arrière

      Sourd à notre douleur,

      Il vient de disparaître…

      O divin maître,

      Nous pleurons ton bonheur.

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