Название: Faust
Автор: Johann Wolfgang von Goethe
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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Surtout quand il s'agit du bel ordre du monde;
Et de tes chérubins je n'ai point la faconde,
Ni l'art de m'épuiser en saints ravissements.
Sur les choses de ce bas monde
Je pense si différemment!
D'où vient? – C'est que ma vue est courte apparemment,
Ou ma cervelle peu féconde.
Toujours y remarqué-je, à parler sans détour,
Du pauvre fils d'Adam la misère profonde.
Ce petit dieu de la machine ronde
Est, sur ma foi, plus sot qu'au premier jour;
Et m'est avis qu'après l'avoir pétri de terre,
Tu lui jouas d'un mauvais tour
En l'éclairant de ta lumière.
Pour diriger ses pas, quel étrange fanal
Que ce reflet céleste empreint sur son visage!
Il le nomme raison: mais, par un sort fatal,
Le malheureux n'en fait usage
Que pour ravaler ton image
À l'état de pur animal.
Moi, j'oserais comparer l'homme
(Sauf la permission de Votre Majesté)
À cet insecte ailé que sauterelle il nomme,
Sur de longues pattes monté,
Gambadant tant que l'été dure,
Et répétant sur la verdure
Un vieux refrain de tous les ans.
Encore si c'était là qu'il consumât le temps!
Mais non, pas un fumier, pas une fange impure,
Où ce dieu ne mette son nez.
N'as-tu donc rien autre à m'apprendre?
Tous les discours qu'ici tu me forces d'entendre
À des sarcasmes froids seront-ils donc bornés?
Et ne verras-tu rien qui ne soit à reprendre
Au monde où les hommes sont nés?
Las! oui, Seigneur (soit dit sans vous déplaire),
Vous me trouvez encore du même avis,
Et soutenant que tout dans ce monde est au pis.
De l'Homme enfin si grande est la misère,
Que moi-même parfois je m'en sens attristé,
Et que de rendre pire une telle existence
Depuis long-temps en vérité
Je me fais quelque conscience.
Connais-tu Faust?
Qui? le docteur?
Eh! sans doute, mon serviteur.
Il vous sert en effet de la belle manière.
Rien de terrestre chez ce fou:
À peine ce qu'il mange est-il fait de matière.
Ours rechigné, vrai loup-garou,
Il reste nuit et jour enfermé dans son trou,
Espèce de tombeau sans air et sans lumière.
Mais si son corps ne bouge pas,
Son esprit au contraire est toujours en campagne:
Plaine, torrent, vallon, montagne,
Dans tous les recoins de là-bas
Il se glisse et prend ses ébats;
Et puis il monte au ciel, il nage dans l'espace,
Demande à l'univers tous ses plus grands plaisirs…
Après quoi pourtant il se lasse
Et retombe à la même place,
Consumé des mêmes désirs.
Battu comme il l'est de l'orage,
Si, sans que rien l'ébranle, il demeure debout,
Si, vainqueur dans la lutte, il me sert jusqu'au bout,
Je le recueillerai pour prix de son courage.
Mais, le frêle arbrisseau qui n'a vu qu'un printemps
Vient-il à se couvrir d'une tendre verdure,
Le jardinier sait bien qu'au midi de ses ans
Fleurs et fruits seront sa parure.
Si bien donc que sur lui vous comptez quelque peu?
Gageons que celui-là vous le perdrez encore!
Pourvu que, jouant un franc jeu,
Vous me laissiez de votre aveu
Brûler son âme à petit feu,
Et sans aucune entrave amener la pécore
Où bon me semblera. M'accordez-vous ce point?
Aussi long-temps que Faust habitera la terre,
Je ne t'en empêcherai point.
Tant que l'homme y voyage, il erre.
Votre cadeau, Seigneur, me ravit, me confond.
J'ai toujours abhorré d'avoir aux morts affaire,
Et de beaucoup je leur préfère
Un visage au teint rubicond.
Pour un citoyen de la bière
Je ne suis jamais au logis…
Comme le chat pour la souris.
Je daigne exaucer ta prière.
Va, détourne, si tu le peux,
Détourne cet esprit de sa source première;
Fais-le suivre avec toi le chemin tortueux
Des ennemis de la lumière;
Et rougis, si tu dois avouer à la fin
Que, jusque dans les rangs de la foule grossière,
Le juste peut encore choisir le droit chemin.
Bon! nous n'en aurons pas pour long-temps, je le jure.
Orgueil à part, je ne vois nul sujet
D'être en souci de ma gageure.
Si j'arrive à bon port, vous voudrez, s'il vous plaît,
M'accorder les honneurs d'une victoire entière.
Il mangera de la poussière,
Et trouvera cet aliment fort sain,
Comme le vieux serpent, mon illustre cousin.
Tu peux en liberté paraître dans le monde.
Je n'en voudrais bannir ni tes pareils, ni toi;
Car, seul parmi la race immonde,
Le Malin fût toujours très-précieux pour moi.
Sous la matière qui l'accable
L'homme risque par fois de perdre tout ressort,
Et de changer sa vie en un sommeil de mort.
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