Le crime de Lord Arthur Savile. Wilde Oscar
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Название: Le crime de Lord Arthur Savile

Автор: Wilde Oscar

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Arthur s'y plongea à la hâte jusqu'à ce que les froids bouillons touchèrent sa gorge et ses cheveux. Alors il enfonça brusquement sa tête sous l'eau, comme s'il voulait se purifier de la souillure de quelque honteux souvenir.

      Quand il sortit de l'eau, il se sentit presque apaisé. Le bien-être physique, qu'il avait ressenti, l'avait dominé, comme il arrive souvent pour les natures supérieurement façonnées, car les sens, comme le feu, peuvent purifier aussi bien que détruire.

      Après déjeuner, il s'allongea sur un divan et alluma une cigarette.

      Sur le dessus de cheminée, garni d'un vieux brocard très fin, il y avait une grande photographie de Sybil Merton, telle qu'il l'avait vue, la première fois, au bal de lady Noël.

      La tête petite, d'un délicieux modèle, s'inclinait légèrement de côté, comme si la gorge mince et frêle, le col de roseau avaient peine à supporter le poids de tant de beauté. Les lèvres étaient légèrement entr'ouvertes et semblaient faites pour une douce musique et, dans ses yeux rêveurs, on lisait les étonnements de la plus tendre pureté virginale.

      Moulée dans son costume de crêpe de chine11 moelleux, un grand éventail de feuillage à la main, on eût dit d'une de ces délicates petites figurines qu'on a trouvées dans les bois d'oliviers qui avoisinent Tanagra et il y avait dans sa pose et dans son attitude quelques traits de la grâce grecque.

      Pourtant, elle n'était pas petite12.

      Elle était simplement parfaitement proportionnée, chose rare à un âge où tant de femmes sont ou plus grandes que nature ou insignifiantes.

      En la contemplant en ce moment, lord Arthur fut rempli de celle terrible pitié qui naît de l'amour. Il sentit que l'épouser avec le fatum du meurtre suspendu sur sa tête serait une trahison pareille à celle de Judas, un crime pire que tous ceux qu'ont jamais rêvé les Borgia.

      Quel bonheur y aurait-il pour eux, quand à tout moment il pourrait être appelé à accomplir l'épouvantable prophétie écrite dans sa main? Quelle vie mènerait-il aussi longtemps que le destin tiendrait cette terrible fortune dans ses balances?

      A tout prix, il fallait retarder le mariage. Il y était tout à fait résolu.

      Bien qu'il aimât ardemment cette jeune fille, bien que le seul contact de ses doigts quand ils étaient assis l'un près de l'autre, fit tressaillir tous les nerfs de son corps d'une joie exquise, il n'en reconnut pas moins clairement où était son devoir et eut pleine conscience de ce fait qu'il n'avait pas le droit de l'épouser jusqu'à ce qu'il eût commis le meurtre.

      Cela fait, il pourrait se présenter devant les autels avec Sybil Merton et remettre sa vie aux mains de la femme qu'il aimait, sans crainte de mal agir.

      Cela fait, il pourrait la prendre dans ses bras, sachant qu'elle n'aurait jamais à courber sa tête sous la honte.

      Mais avant, il fallait faire cela et le plus tôt serait le meilleur pour tous deux.

      Bien des gens dans sa situation auraient préféré le sentier fleuri du plaisir aux montées escarpées du devoir; mais lord Arthur était trop consciencieux pour placer le plaisir au-dessus des principes.

      Dans son amour, il n'y avait plus qu'une simple passion et Sybil était pour lui le symbole de tout ce qu'il y a de bon et de noble.

      Un moment, il éprouva une répugnance naturelle contre l'oeuvre qu'il était appelé à accomplir, mais bientôt cette impression s'effaça. Son coeur lui dit que ce n'était pas là un crime, mais un sacrifice: sa raison lui rappela que nulle autre issue ne lui était ouverte. Il fallait qu'il choisisse entre vivre pour lui et vivre pour les autres et, si terrible, sans nul doute, que fût la tâche qui s'imposait à lui, pourtant il savait qu'il ne devait pas laisser l'égoïsme triompher de l'amour, tôt ou tard, chacun de nous est appelé à résoudre ce même problème: la même question est posée à chacun de nous.

      Pour lord Arthur, elle se posa de bonne heure dans la vie, avant que son caractère ait été entamé par le cynisme, qui calcule, de l'âge mûr, ou que son coeur fût corrodé par l'égoïsme superficiel et élégant de notre époque, et il n'hésita pas à faire son devoir.

      Heureusement pour lui aussi, il n'était pas un simple rêveur, un dilettante oisif. S'il eût été tel, il eût hésité comme Hamlet et permis que l'irrésolution ruinât son dessein. Mais il était essentiellement pratique. Pour lui, la vie c'était l'action, plutôt que la pensée.

      Il possédait ce don rare entre tous, le sens commun.

      Les sensations cruelles et violentes de la soirée de la veille s'étaient maintenant tout à fait effacées et c'était presque avec un sentiment de honte qu'il songeait à sa marche folle, de rue en rue, à sa terrible agonie émotionnelle.

      La sincérité même de ses souffrances les faisait maintenant passer à ses yeux pour inexistantes.

      Il se demandait comment il avait pu être assez fou pour déclamer et extravaguer contre l'inévitable.

      La seule question, qui paraissait le troubler, était comment il viendrait à bout de sa tâche, car il n'avait pas les yeux fermés à ce fait que le meurtre, comme les religions du monde païen, exige une victime, aussi bien qu'un prêtre.

      N'étant pas un génie, il n'avait pas d'ennemis, et, d'ailleurs, il sentait que ce n'était pas le lieu de satisfaire quelque rancune ou quelque haine personnelles; la mission dont il était chargé était d'une grande et grave solennité.

      En conséquence, il dressa une liste de ses amis et de ses parents sur un feuillet de block-notes et, après un soigneux examen, se décida en faveur de lady Clementina Beauchamp, une chère vieille dame qui habitait Curzon-Street et était sa propre cousine au second degré du côté de sa mère.

      Il avait toujours aimé lady Clem, comme tout le monde l'appelait, et comme il était riche lui-même, ayant pris possession de toute la fortune de lord Rugby, lors de sa majorité, il n'était pas possible qu'il résultât pour lui de sa mort quelque méprisable avantage d'argent.

      En réalité, plus il pensait à la question, plus lady Clem lui paraissait la personne qu'il convenait de choisir et songeant que tout délai était une mauvaise action à l'égard de Sybil, il se résolut à s'occuper tout de suite de ses préparatifs.

      La première chose à faire, certes, c'était de régler avec le chiromancien.

      Il s'assit donc devant un petit bureau de Sheraton, qui était devant la fenêtre, et remplit un chèque de 100 livres payable à l'ordre de M. Septimus Podgers. Puis, le mettant dans une enveloppe, il dit à son domestique de le porter à West-Moon-street.

      Il téléphona ensuite à ses écuries d'atteler son coupé et s'habilla pour sortir.

      Comme il quittait sa chambre, il jeta un regard à la photographie de Sybil Merton et jura que, quoi qu'il arrivât, il lui laisserait toujours ignorer ce qu'il faisait pour l'amour d'elle et qu'il garderait le secret de son sacrifice à jamais enseveli dans son coeur.

      Dans sa route pour Buckingham club, il s'arrêta chez une fleuriste et envoya à Sybil une belle corbeille de narcisses aux jolies pétales blancs et aux pistils ressemblant à des yeux de faisan.

      En arrivant au club, il se rendit tout droit à la bibliothèque, sonna la clochette et demanda au garçon de lui apporter un СКАЧАТЬ



<p>11</p>

En français dans le texte.

<p>12</p>

En français dans le texte.