Le crime de Lord Arthur Savile. Wilde Oscar
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Название: Le crime de Lord Arthur Savile

Автор: Wilde Oscar

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ montrez les vôtres à M. Podgers.

      Et un vieux monsieur d'allure fine, qui portait un veston blanc, s'avança et tendit au chiromancien une main épaisse et rude avec un très long doigt du milieu.

      – Nature aventureuse; dans le passé quatre longs voyages et un dans l'avenir… Naufragé trois fois… Non deux fois seulement, mais en danger de naufrage lors de votre prochain voyage. Conservateur acharné, très ponctuel, ayant la passion des collections de curiosités. Une maladie dangereuse entre la seizième et la dix-huitième année. A hérité d'une fortune vers la trentième. Grande aversion pour les chats et les radicaux.

      – Extraordinaire! s'exclama sir Thomas. Vous devriez lire aussi dans la main de ma femme.

      – De votre seconde femme, dit tranquillement M. Podgers qui conservait toujours la main de sir Thomas dans la sienne.

      Mais lady Marvel, femme d'aspect mélancolique, aux cheveux noirs et aux cils de sentimentale, refusa nettement de laisser révéler son passé ou son avenir.

      Aucun des efforts de lady Windermere ne put non plus amener M. de Koloff, l'ambassadeur de Russie, à consentir même à retirer ses gants.

      En réalité, bien des gens redoutaient d'affronter cet étrange petit homme au sourire stéréotypé, aux lunettes d'or et aux yeux d'un brillant de perle, et quand il dit à la pauvre lady Fermor, tout haut et devant tout le monde, qu'elle se souciait fort peu de la musique, mais qu'elle raffolait des musiciens, on estima, en général, que la chiromancie est une science qu'il ne faut encourager qu'en tête-à-tête5.

      Lord Arthur Savile, cependant, qui ne savait, rien de la malheureuse histoire de lady Fermor, et qui avait suivi M. Podgers avec un très grand intérêt, avait une vive curiosité de le voir lire dans sa main.

      Comme il éprouvait quelque pudeur à se mettre en avant, il traversa la pièce et s'approcha de l'endroit où lady Windermere était assise et, avec une rougeur, qui était un charme, lui demanda si elle pensait que M. Podgers voudrait bien s'occuper de lui.

      – Certes oui, il s'occupera de vous, fit lady Windermere. C'est pour cela qu'il est ici. Tous mes lions, lord Arthur, sont des lions en représentation. Ils sautent dans des cerceaux, quand je le leur demande. Mais il faut auparavant que je vous prévienne que je dirai tout à Sybil. Elle vient luncher avec moi demain pour causer chapeaux, et si M. Podgers trouve que vous avez un mauvais caractère ou une tendance à la goutte, ou une femme qui vit à Bayswater6, certainement je ne le lui laisserai pas ignorer.

      Lord Arthur sourit et hocha la tête.

      – Je ne suis pas effrayé, répondit-il. Sybil me connaît aussi bien que je la connais.

      – Ah! je suis un peu contrariée de vous entendre dire cela. La meilleure assise du mariage, c'est un malentendu mutuel… non, je ne suis pas du tout cynique. J'ai seulement de l'expérience, ce qui, cependant, est très souvent la même chose… M. Podgers, lord Arthur Savile meurt d'envie que vous lisiez dans sa main. Ne lui dites pas qu'il est fiancé à l'une des plus jolies filles de Londres: il y a un mois que le Morning Post en a publié la nouvelle.

      – Chère lady Windermere, s'écria la marquise de Jedburgh, ayez l'obligeance de laisser M. Podgers s'arrêter ici une minute de plus. Il est en train de me dire que je monterai sur les planches et cela m'intéresse au plus au point.

      – S'il vous a dit cela, lady Jedburgh, je ne vais pas hésiter à vous l'enlever. Venez immédiatement, M. Podgers, et lisez dans la main de lord Arthur.

      – Bon! dit lady Jedburgh faisant une petite moue, comme elle se levait du canapé, s'il ne m'est pas permis de monter sur les planches, il me sera au moins permis d'assister au spectacle, j'espère.

      – Naturellement. Nous allons tous assister à la séance, répliqua lady Windermere. Et maintenant, M. Podgers, reprenez-nous et dites-nous quelque chose de joli, lord Arthur est un de mes plus chers favoris.

      Mais quand M. Podgers vit la main de lord Arthur, il devint étrangement pâle et ne souffla mot.

      Un frisson sembla passer sur lui. Ses grands sourcils broussailleux furent saisis d'un tremblement convulsif du tic bizarre, irritant, qui le dominait, quand il était embarrassé.

      Alors, quelques grosses gouttes de sueur perlèrent sur son front jaune, comme une rosée empoisonnée et ses doigts gras devinrent froids et visqueux.

      Lord Arthur ne manqua pas de remarquer ces étranges signes d'agitation et, pour la première fois de sa vie, il éprouva de la peur. Son mouvement naturel fut de se sauver du salon, mais il se contint.

      Il valait mieux connaître le pire, quel qu'il fût, que de demeurer dans cette affreuse incertitude.

      – J'attends, M. Podgers, dit-il.

      – Nous attendons tous, cria lady Windermere de son ton vif, impatient.

      Mais le chiromancien ne répondit pas.

      – Je crois qu'Arthur va monter sur les planches, dit lady Jedburgh, et qu'après votre sortie M. Podgers a peur de le lui dire.

      Soudain M. Podgers laissa tomber la main droite de lord Arthur et empoigna fortement la gauche, se courbant si bas pour l'examiner que la monture d'or de ses lunettes sembla presque effleurer la paume.

      Un moment, son visage devint un masque blanc d'horreur, mais il recouvra bientôt son sang-froid7 et, regardant lady Windermere, lui dit avec un sourire forcé:

      – C'est la main d'un charmant jeune Homme.

      – Certes oui, répondit lady Windermere, mais sera-t-il un mari charmant? Voilà ce que j'ai besoin de savoir.

      – Tous les jeunes gens charmants sont des maris charmants, reprit M. Podgers.

      – Je ne crois pas qu'un mari doive être trop séduisant, murmura lady Jedburgh, d'un air pensif. C'est si dangereux.

      – Ma chère enfant, ils ne sont jamais trop séduisants; s'écria lady Windermere. Mais ce qu'il me faut ce sont des détails. Il n'y a que les détails qui intéressent. Que doit-il arriver à lord Arthur?

      – Eh bien! Dans quelques jours lord Arthur doit faire un voyage.

      – Oui, sa lune de miel naturellement.

      – Et il perdra un parent.

      – Pas sa soeur, j'espère, dit lady Jedburgh d'un ton apitoyé.

      – Certes non, pas sa soeur, répondit M. Podgers avec un geste de dépréciation de la main, un simple parent éloigné.

      – Bon! je suis cruellement désappointée, fit lady Windermere. Je n'ai absolument rien à dire à Sybil demain. Qui se préoccupe aujourd'hui de parents éloignés? Voilà des années que ce n'est plus la mode. Cependant, je suppose qu'elle fera bien d'acheter une robe de soie noire: cela sert toujours pour l'église, voyez-vous. Et, maintenant, allons souper. On a sûrement tout mangé là-bas, mais nous pourrons encore trouver du bouillon chaud. François faisait autrefois du bouillon excellent, mais maintenant il est si agité par la politique que je ne suis jamais certaine de rien avec lui. Je voudrais bien que le général Boulanger se tînt tranquille… Duchesse, je suis sûre que vous êtes СКАЧАТЬ



<p>5</p>

En français dans le texte.

<p>6</p>

Quartier avoisinant au nord Kensington Park, habité par les femmes entretenues par l'aristocratie de Londres (Note du traducteur.)

<p>7</p>

En français dans le texte.