Les bases de la morale évolutionniste. Spencer Herbert
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Название: Les bases de la morale évolutionniste

Автор: Spencer Herbert

Издательство: Public Domain

Жанр: Философия

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СКАЧАТЬ un seul. Voilà bien la preuve qu'au fond de toutes ces intuitions sur la bonté et la méchanceté des actes se cache cette hypothèse fondamentale: les actes sont bons ou mauvais suivant que la somme de leurs effets augmente le bonheur des hommes ou augmente leur misère.

      15. Il est curieux de voir combien le culte rendu par les sauvages aux démons a survécu, sous divers déguisements, chez les hommes civilisés. Ce culte démoniaque a engendré l'ascétisme qui, sous différentes formes et à différents degrés, jouit d'une si grande faveur aujourd'hui encore, et exerce une influence si marquée sur des hommes, affranchis en apparence, non-seulement des superstitions primitives, mais encore des superstitions plus développées. Ces manières de comprendre la vie et la conduite, inventées par des hommes qui cherchaient, en se torturant eux-mêmes, à se rendre favorables leurs ancêtres divinisés, inspirent encore de notre temps les théories morales de beaucoup de personnes, même de personnes qui ont rompu depuis bien des années avec la théologie du passé et se croient entièrement soustraites à son influence.

      Dans les écrits d'un auteur qui rejette les dogmes chrétiens aussi bien que la religion juive d'où ces dogmes procèdent, vous trouverez le récit d'une conquête, qui a coûté la vie à dix mille hommes, fait avec une sympathie toute semblable à la joie dont les livres hébraïques saluent la destruction des ennemis accomplie au nom de Dieu. D'autres fois l'éloge du despotisme se joint à des considérations sur la force d'un Etat où les volontés des esclaves ou des citoyens sont soumises aux volontés de maîtres ou de tribuns, et ce sentiment nous rappelle la vie orientale dépeinte dans les récits de la Bible. Avec ce culte de l'homme fort, avec cette facilité à justifier tout ce que la force entreprend pour satisfaire son ambition, avec cette sympathie pour une forme de société où la suprématie d'une minorité est sans limite, où la vertu du grand nombre consiste dans l'obéissance, il est tout naturel de répudier la théorie morale d'après laquelle la plus grande somme de bonheur, sous une forme ou sous une autre, est la fin de la conduite humaine; il est tout naturel d'adopter cette philosophie utilitaire désignée sous le nom méprisant de «philosophie de porc». Alors, pour montrer comment doit s'entendre la philosophie ainsi surnommée, on nous dit que ce n'est pas le bonheur, mais la béatitude qui est la véritable fin de l'homme.

      Evidemment on suppose ainsi que la béatitude n'est pas un genre de bonheur. Mais cette hypothèse provoque une question: Quel mode de sentiment est-elle donc? Si c'est un état de conscience quelconque, il faut nécessairement qu'il soit pénible, indifférent ou agréable. Si la béatitude ne fait éprouver aucune émotion d'aucun genre à celui qui l'a acquise, c'est exactement comme s'il ne l'avait point acquise; et, si elle lui fait éprouver une émotion, cette émotion doit être pénible ou agréable.

      Chacune de ces possibilités peut être conçue de deux manières. Le mot béatitude peut d'abord désigner un état particulier de conscience, parmi tous ceux qui se succèdent en nous: nous avons alors à chercher si cet état est agréable, indifférent ou pénible. Dans un second sens, le mot béatitude ne s'appliquerait pas à un état particulier de la conscience, mais caractériserait l'agrégat de ses états; par hypothèse, cet agrégat peut être constitué de telle sorte ou que le plaisir y prédomine, ou que la peine l'emporte, ou que les plaisirs et les peines s'y compensent exactement.

      Nous allons examiner successivement ces deux interprétations possibles du mot béatitude.

      «Bienheureux les miséricordieux!» – «Bienheureux les pacifiques!» – «Bienheureux celui qui a pitié du pauvre!» Ce sont là autant d'expressions que nous pouvons prendre à bon droit comme propres à faire connaître le sens du mot béatitude. Que devons-nous donc penser de celui qui est bienheureux en accomplissant un acte de miséricorde? Son état mental est-il agréable? Alors il faut abandonner l'hypothèse, car la béatitude devient une forme du bonheur. Son état est-il indifférent ou pénible? Il faut alors que l'homme bienheureux dont on parle soit assez exempt de sympathie pour que le fait de soulager la peine d'un autre, ou de l'affranchir de la crainte de la peine, le laisse absolument froid ou même lui cause une émotion désagréable. De même, si un homme, bienheureux pour avoir rétabli la paix, n'en ressent aucune joie comme récompense, c'est que la vue des hommes s'attaquant injustement les uns les autres ne l'afflige pas du tout, ou lui cause même un plaisir qui se change en peine lorsqu'il prévient ces injustices. De même encore, appeler bienheureux celui qui «a compassion du pauvre», si ce n'est pas lui attribuer un sentiment agréable, c'est dire que sa compassion pour le pauvre ne lui procure aucun sentiment ou lui fait éprouver un sentiment désagréable. Si donc la béatitude est un mode particulier de conscience d'une durée déterminée produit à la suite de tout genre d'actions bienfaisantes, ceux qui refusent d'y voir un plaisir ou un élément de bonheur avouent eux-mêmes que le bien-être des autres ou ne les émeut en aucune manière, ou leur déplaît.

      Dans un autre sens, la béatitude, comme nous l'avons dit, consiste dans la totalité des sentiments éprouvés durant sa vie par l'homme occupé des actes que ce mot désigne. On peut faire alors trois hypothèses: excès de plaisir, excès de peine, ou égalité de l'un et de l'autre. Si les états agréables l'emportent, la vie bienheureuse ne se distingue plus d'une autre vie agréable que par la quantité relative ou la qualité des plaisirs; c'est une vie qui a pour fin un bonheur d'un certain genre et d'un certain degré: il faut alors renoncer à soutenir que la béatitude n'est pas une forme du bonheur. Si au contraire, dans la vie bienheureuse, les plaisirs et les peines s'équilibrent exactement et produisent ainsi comme résultante un état d'indifférence, ou si la somme des peines l'emporte sur celle des plaisirs, cette vie possède le caractère que les pessimistes attribuent à la vie en général et pour lequel ils la maudissent. L'anéantissement, disent-ils, est préférable. En effet, si l'indifférence est le terme de la vie bienheureuse, l'anéantissement fait atteindre ce but une fois pour toutes; et, si un excès de maux est le seul résultat de cette forme la plus haute de la vie, de la vie bénie, c'est assurément une raison de plus pour souhaiter la fin de toute existence en général.

      On nous opposera peut-être cette réponse: Supposez agréable l'état particulier de conscience accompagnant la conduite appelée bienheureuse; on peut soutenir que la pratique de cette conduite et la recherche du plaisir qui s'y attache entraînent cependant, par l'abnégation de soi-même, par la persistance de l'effort et peut-être par quelque douleur physique qui en est la suite, une souffrance supérieure à ce plaisir même. On affirmerait, malgré cela, que la béatitude, ainsi caractérisée par l'excès d'un ensemble de peines sur un ensemble de plaisirs, doit être poursuivie comme une fin préférable au bonheur qui consiste dans un excès des plaisirs sur les peines.

      Cette conception de la béatitude peut se défendre, s'il s'agit d'un seul individu ou de quelques-uns; mais elle devient insoutenable dès qu'on l'étend à tous les hommes. Pour le comprendre, il suffit de chercher la raison qui fait supporter ces peines supérieures aux plaisirs. Si la béatitude est un état idéal offert également à tous les hommes, si les sacrifices que chacun s'impose dans la poursuite de cet idéal ont pour but d'aider les autres à atteindre le même idéal, il en résulte que chacun doit parvenir à cet état de béatitude, rempli d'ailleurs de peines, pour permettre aux autres d'arriver aussi à cet état à la fois bienheureux et pénible: la conscience bienheureuse se formerait donc par la contemplation de la conscience de tous dans une condition de souffrance. Peut-on admettre cette conséquence? Évidemment non. Mais, en rejetant une pareille théorie, on accorde implicitement que si l'homme accepte la souffrance dans l'accomplissement des actes constituant la vie appelée bienheureuse, ce n'est pas avec l'intention d'imposer aux autres les peines de la béatitude, mais bien pour leur procurer des plaisirs. Par suite le plaisir, sous une forme ou une autre, est tacitement reconnu comme la fin suprême.

      En résumé, la condition nécessaire à l'existence de la béatitude est un accroissement de bonheur, positif ou négatif, dans une conscience ou dans une autre. Elle n'a plus aucun sens si les actions dites bénies peuvent être présentées comme une cause de diminution de bonheur aussi bien pour les autres que pour celui qui les accomplit.

      16. Pour СКАЧАТЬ