Consuelo. George Sand
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Название: Consuelo

Автор: George Sand

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ j’entends quelquefois les causeries, appellent leur réputation. Je suis trop peu de chose dans le monde pour attacher mon honneur au plus ou moins de chasteté qu’on voudra bien me supposer; mais je fais consister mon honneur à garder mes promesses, de même que je fais consister le tien à savoir garder les tiennes. Je ne suis peut-être pas aussi bonne catholique que je voudrais l’être. J’ai été si peu instruite dans la religion! Je ne puis pas avoir d’aussi belles règles de conduite et d’aussi belles maximes de vertu que ces jeunes filles de la scuola, élevées dans le cloître et entretenues du matin au soir dans la science divine. Mais je pratique comme je sais et comme je peux. Je ne crois pas notre amour capable de s’entacher d’impureté pour devenir un peu plus vif avec nos années. Je ne compte pas trop les baisers que je te donne, mais je sais que nous n’avons pas désobéi à ma mère, et que je ne veux pas lui désobéir pour satisfaire des impatiences faciles à réprimer.

      – Faciles! s’écria Anzoleto en la pressant avec emportement sur sa poitrine; faciles! Je savais bien que tu étais froide.

      – Froide, tant que tu voudras, répondit-elle en se dégageant de ses bras. Dieu, qui lit dans mon cœur, sait bien si je t’aime!

      – Eh bien! jette-toi donc dans son sein, dit Anzoleto avec dépit; car le mien n’est pas un refuge aussi assuré, et je m’enfuis pour ne pas devenir impie.»

      Il courut vers la porte, croyant que Consuelo, qui n’avait jamais pu se séparer de lui au milieu d’une querelle, si légère qu’elle fût, sans chercher à le calmer, s’empresserait de le retenir. Elle fit effectivement un mouvement impétueux pour s’élancer vers lui; puis elle s’arrêta, le vit sortir, courut aussi vers la porte, mit la main sur le loquet pour ouvrir et le rappeler. Mais, ramenée à sa résolution par une force surhumaine, elle tira le verrou sur lui; et, vaincue par une lutte trop violente, elle tomba raide évanouie sur le plancher, où elle resta sans mouvement jusqu’au jour.

      XIV. Je t’avoue que j’en suis éperdument amoureux…

      Je t’avoue que j’en suis éperdument amoureux, disait cette même nuit le comte Zustiniani à son ami Barberigo, vers deux heures du matin, sur le balcon de son palais, par une nuit obscure et silencieuse.

      – C’est me signifier que je dois me garder de le devenir, répondit le jeune et brillant Barberigo; et je me soumets, car tes droits priment les miens. Cependant si la Corilla réussissait à te reprendre dans ses filets, tu aurais la bonté de m’en avertir, et je pourrais alors essayer de me faire écouter?…

      – N’y songe pas, si tu m’aimes. La Corilla n’a jamais été pour moi qu’un amusement. Je vois à ta figure que tu me railles?

      – Non, mais je pense que c’est un amusement un peu sérieux que celui qui nous fait faire de telles dépenses et de si grandes folies.

      – Prenons que je porte tant d’ardeur dans mes amusements que rien ne me coûte pour les prolonger. Mais ici c’est plus qu’un désir; c’est, je crois, une passion. Je n’ai jamais vu de créature aussi étrangement belle que cette Consuelo; c’est comme une lampe qui pâlit de temps en temps, mais qui, au moment où elle semble prête à s’éteindre, jette une clarté si vive que les astres, comme disent nos poètes, en sont éclipsés.

      – Ah! dit Barberigo en soupirant, cette petite robe noire et cette collerette blanche, cette toilette à demi pauvre et à demi dévote, cette tête pâle, calme, sans éclat au premier regard, ces manières rondes et franches, cette étonnante absence de coquetterie, comme tout cela se transforme et se divinise lorsqu’elle s’inspire de son propre génie pour chanter! Heureux Zustiniani qui tiens dans tes mains les destinées de cette ambition naissante!

      – Que ne suis-je assuré de ce bonheur que tu m’envies! mais je suis tout effrayé au contraire de ne trouver là aucune des passions féminines que je connais, et qui sont si faciles à mettre en jeu. Conçois-tu, ami, que cette fille soit restée une énigme pour moi, après toute une journée d’examen et de surveillance? Il me semble, à sa tranquillité et à ma maladresse, que je suis déjà épris au point de ne plus voir clair.

      – Certes, tu es épris plus qu’il ne faudrait, puisque tu es aveugle. Moi, que l’espérance ne trouble point, je te dirai en trois mots ce que tu ne comprends pas. Consuelo est une fleur d’innocence; elle aime le petit Anzoleto; elle l’aimera encore pendant quelques jours; et si tu brusques cet attachement d’enfance, tu lui donneras des forces nouvelles. Mais si tu parais ne point t’en occuper, la comparaison qu’elle fera entre lui et toi refroidira bientôt son amour.

      – Mais il est beau comme Apollon, ce petit drôle, il a une voix magnifique; il aura du succès. Déjà la Corilla en était folle. Ce n’est pas un rival à dédaigner auprès d’une fille qui a des yeux.

      – Mais il est pauvre, et tu es riche; inconnu, et tu es tout-puissant, reprit Barberigo. L’important serait de savoir s’il est son amant ou son ami. Dans le premier cas, le désabusement arrivera plus vite pour Consuelo; dans le second, il y aura entre eux une lutte, une incertitude, qui prolongeront tes angoisses.

      – Il me faudrait donc désirer ce que je crains horriblement, ce qui me bouleverse de rage rien que d’y songer! Toi, qu’en penses-tu?

      – Je crois qu’ils ne sont point amants.

      – Mais c’est impossible! L’enfant est libertin, audacieux, bouillant: et puis les mœurs de ces gens-là!

      – Consuelo est un prodige en toutes choses. Tu n’es pas bien expérimenté encore, malgré tous tes succès auprès des femmes, cher Zustiniani, si tu ne vois pas dans tous les mouvements, dans toutes les paroles, dans tous les regards de cette fille, qu’elle est aussi pure que le cristal au sein du rocher.

      – Tu me transportes de joie!

      – Prends garde! c’est une folie, un préjugé! Si tu aimes Consuelo, il faut la marier demain, afin que dans huit jours son maître lui ait fait sentir le poids d’une chaîne, les tourments de la jalousie, l’ennui d’un surveillant fâcheux, injuste, et infidèle; car le bel Anzoleto sera tout cela. Je l’ai assez observé hier entre la Consuelo et la Clorinda, pour être à même de lui prophétiser ses torts et ses malheurs. Suis mon conseil, ami, et tu m’en remercieras bientôt. Le lien du mariage est facile à détendre, entre gens de cette condition; et tu sais que, chez ces femmes-là, l’amour est une fantaisie ardente qui ne s’exalte qu’avec les obstacles.

      – Tu me désespères, répondit le comte, et pourtant je sens que tu as raison.»

      Malheureusement pour les projets du comte Zustiniani, ce dialogue avait un auditeur sur lequel on ne comptait point et qui n’en perdait pas une syllabe. Après avoir quitté Consuelo, Anzoleto, repris de jalousie, était revenu rôder autour du palais de son protecteur, pour s’assurer qu’il ne machinait pas un de ces enlèvements si fort à la mode en ce temps-là, et dont l’impunité était à peu près garantie aux patriciens. Il ne put en entendre davantage; car la lune, qui commençait à monter obliquement au-dessus des combles du palais, vint dessiner, de plus en plus nette, son ombre sur le pavé, et les deux seigneurs, s’apercevant ainsi de la présence d’un homme sous le balcon, se retirèrent et fermèrent la croisée.

      Anzoleto s’esquiva, et alla rêver en liberté à ce qu’il venait d’entendre. C’en était bien assez pour qu’il sût à quoi s’en tenir, et pour qu’il fit son profit des vertueux conseils de Barberigo à son ami. Il dormit à peine deux heures vers le matin, puis il courut à la corte Minelli. La porte était encore fermée au verrou, mais à travers les fentes de cette barrière mal close, il put voir Consuelo tout habillée, СКАЧАТЬ