Consuelo. George Sand
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Название: Consuelo

Автор: George Sand

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ tout le monde dit que tu es beau, et tu le sais bien. Mais qu’est-ce que cela te fait?

      – Je veux savoir si tu m’aimerais quand même je serais affreux.

      – Je ne m’en apercevrais peut-être pas.

      – Tu crois donc qu’on peut aimer une personne laide?

      – Pourquoi pas, puisque tu m’aimes?

      – Tu es donc laide, Consuelo? Vraiment, dis-moi, réponds-moi, tu es donc laide?

      – On me l’a toujours dit. Est-ce que tu ne le vois pas?

      – Non, non, en vérité, je ne le vois pas!

      – En ce cas, je me trouve assez belle, et je suis bien contente.

      – Tiens, dans ce moment-ci, Consuelo, quand tu me regardes d’un air si bon, si naturel, si aimant, il me semble que tu es plus belle que la Corilla. Mais je voudrais savoir si c’est l’effet de mon illusion ou la vérité. Je connais ta physionomie, je sais qu’elle est honnête et qu’elle me plaît, et que quand je suis en colère elle me calme; que quand je suis triste, elle m’égaie; que quand je suis abattu, elle me ranime. Mais je ne connais pas ta figure. Ta figure, Consuelo, je ne peux pas savoir si elle est laide.

      – Mais qu’est-ce que cela te fait, encore une fois?

      – Il faut que je le sache. Dis-moi si un homme beau pourrait aimer une femme laide.

      – Tu aimais bien ma pauvre mère, qui n’était plus qu’un spectre! Et moi, je l’aimais tant!

      – Et la trouvais-tu laide?

      – Non. Et toi?

      – Je n’y songeais pas. Mais aimer d’amour, Consuelo… car enfin je t’aime d’amour, n’est-ce pas? Je ne peux pas me passer de toi, je ne peux pas te quitter. C’est de l’amour: que t’en semble?

      – Est-ce que cela pourrait être autre chose?

      – Cela pourrait être de l’amitié.

      – Oui, cela pourrait être de l’amitié.»

      Ici Consuelo surprise s’arrêta, et regarda attentivement Anzoleto; et lui, tombant dans une rêverie mélancolique, se demanda positivement pour la première fois, s’il avait de l’amour ou de l’amitié pour Consuelo; si le calme de ses sens, si la chasteté qu’il observait facilement auprès d’elle, étaient le résultat du respect ou de l’indifférence. Pour la première fois, il regarda cette jeune fille avec les yeux d’un jeune homme, interrogeant, avec un esprit d’analyse qui n’était pas sans trouble, ce front, ces yeux, cette taille, et tous ces détails dont il n’avait jamais saisi qu’une sorte d’ensemble idéal et comme voilé dans sa pensée. Pour la première fois, Consuelo interdite se sentit troublée par le regard de son ami; elle rougit, son cœur battit avec violence, et ses yeux se détournèrent, ne pouvant supporter ceux d’Anzoleto. Enfin, comme il gardait toujours le silence, et qu’elle n’osait plus le rompre, une angoisse inexprimable s’empara d’elle, de grosses larmes roulèrent sur ses joues; et cachant sa tête dans ses mains:

      Oh! je vois bien, dit-elle, tu viens me dire que tu ne veux plus de moi pour ton amie.

      – Non, non! je n’ai pas dit cela! je ne le dis pas!» s’écria Anzoleto effrayé de ces larmes qu’il faisait couler pour la première fois; et vivement ramené à son sentiment fraternel, il entoura Consuelo de ses bras. Mais, comme elle détournait son visage, au lieu de sa joue fraîche et calme il baisa une épaule brûlante que cachait mal un fichu de grosse dentelle noire.

      Quand le premier éclair de la passion s’allume instantanément dans une organisation forte, restée chaste comme l’enfance au milieu du développement complet de la jeunesse, elle y porte un choc violent et presque douloureux.

      Je ne sais ce que j’ai, dit Consuelo en s’arrachant des bras de son ami avec une sorte de crainte qu’elle n’avait jamais éprouvée; mais je me sens bien mal: il me semble que je vais mourir.

      – Ne meurs pas, lui dit Anzoleto en la suivant et en la soutenant dans ses bras; tu es belle, Consuelo, je suis sûr que tu es belle.»

      En effet, Consuelo était belle en cet instant; et quoique Anzoleto n’en fût pas certain au point de vue de l’art, il ne pouvait s’empêcher de le dire, parce que son cœur le sentait vivement.

      Mais enfin, lui dit Consuelo toute pâlie et tout abattue en un instant, pourquoi donc tiens-tu aujourd’hui à me trouver belle?

      – Ne voudrais-tu pas l’être, chère Consuelo?

      – Oui, pour toi.

      – Et pour les autres?

      – Peu m’importe.

      – Et si c’était une condition pour notre avenir?»

      Ici Anzoleto, voyant l’inquiétude qu’il causait à son amie, lui rapporta naïvement ce qui s’était passé entre le comte et lui; et quand il en vint à répéter les expressions peu flatteuses dont Zustiniani s’était servi en parlant d’elle, la bonne Consuelo qui peu à peu s’était tranquillisée en croyant voir tout ce dont il s’agissait, partit d’un grand éclat de rire en achevant d’essuyer ses yeux humides.

      Eh bien! lui dit Anzoleto tout surpris de cette absence totale de vanité, tu n’es pas plus émue, pas plus inquiète que cela? Ah! je vois, Consuelina, vous êtes une petite coquette; vous savez que vous n’êtes pas laide.

      – Écoute, lui répondit-elle en souriant, puisque tu prends de pareilles folies au sérieux, il faut que je te tranquillise un peu. Je n’ai jamais été coquette: n’étant pas belle, je ne veux pas être ridicule. Mais quant à être laide, je ne le suis plus.

      – Vraiment on te l’a dit? Qui t’a dit cela, Consuelo?

      – D’abord ma mère, qui ne s’est jamais tourmentée de ma laideur. Je lui ai entendu dire souvent que cela se passerait, qu’elle avait été encore plus laide dans son enfance; et beaucoup de personnes qui l’avaient connue m’ont dit qu’à vingt ans elle avait été la plus belle fille de Burgos. Tu sais bien que quand par hasard quelqu’un la regardait dans les cafés où elle chantait, on disait: Cette femme doit avoir été belle. Vois-tu, mon pauvre ami, la beauté est comme cela quand on est pauvre; c’est un instant: on n’est pas belle encore, et puis bientôt on ne l’est plus. Je le serai peut-être, qui sait? si je peux ne pas me fatiguer trop, avoir du sommeil, et ne pas trop souffrir de la faim.

      – Consuelo, nous ne nous quitterons pas; bientôt je serai riche, et tu ne manqueras de rien. Tu pourras donc être belle à ton aise.

      – À la bonne heure. Que Dieu fasse le reste!

      – Mais tout cela ne conclut à rien pour le présent, et il s’agit de savoir si le comte te trouvera assez belle pour paraître au théâtre.

      – Maudit comte! pourvu qu’il ne fasse pas trop le difficile!

      – D’abord, tu n’es pas laide.

      – Non, je ne suis pas laide. J’ai entendu, il n’y a pas longtemps, le verrotier qui demeure ici en face, dire à sa femme: Sais-tu que la Consuelo n’est pas vilaine? СКАЧАТЬ