Название: Les trois mousquetaires
Автор: Alexandre Dumas
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Sans écouter le moins du monde les lamentations de maître Bonacieux, lamentations auxquelles d’ailleurs ils devaient être habitués, les deux gardes prirent le prisonnier par un bras, et l’emmenèrent, tandis que le commissaire écrivait en hâte une lettre que son greffier attendait.
Bonacieux ne ferma pas l’oeil, non pas que son cachot fût par trop désagréable, mais parce que ses inquiétudes étaient trop grandes. Il resta toute la nuit sur son escabeau, tressaillant au moindre bruit ; et quand les premiers rayons du jour se glissèrent dans sa chambre, l’aurore lui parut avoir pris des teintes funèbres.
Tout à coup, il entendit tirer les verrous, et il fit un soubresaut terrible. Il croyait qu’on venait le chercher pour le conduire à l’échafaud ; aussi, lorsqu’il vit purement et simplement paraître, au lieu de l’exécuteur qu’il attendait, son commissaire et son greffier de la veille, il fut tout près de leur sauter au cou.
«Votre affaire s’est fort compliquée depuis hier au soir, mon brave homme, lui dit le commissaire, et je vous conseille de dire toute la vérité ; car votre repentir peut seul conjurer la colère du cardinal.
– Mais je suis prêt à tout dire, s’écria Bonacieux, du moins tout ce que je sais. Interrogez, je vous prie.
– Où est votre femme, d’abord ?
– Mais puisque je vous ai dit qu’on me l’avait enlevée.
– Oui, mais depuis hier cinq heures de l’après-midi, grâce à vous, elle s’est échappée.
– Ma femme s’est échappée ! s’écria Bonacieux. Oh ! la malheureuse ! monsieur, si elle s’est échappée, ce n’est pas ma faute, je vous le jure.
– Qu’alliez-vous donc alors faire chez M. d’Artagnan votre voisin, avec lequel vous avez eu une longue conférence dans la journée ?
– Ah ! oui, monsieur le commissaire, oui, cela est vrai, et j’avoue que j’ai eu tort. J’ai été chez M. d’Artagnan.
– Quel était le but de cette visite ?
– De le prier de m’aider à retrouver ma femme. Je croyais que j’avais droit de la réclamer ; je me trompais, à ce qu’il paraît, et je vous en demande bien pardon.
– Et qu’a répondu M. d’Artagnan ?
– M. d’Artagnan m’a promis son aide ; mais je me suis bientôt aperçu qu’il me trahissait.
– Vous en imposez à la justice ! M. d’Artagnan a fait un pacte avec vous, et en vertu de ce pacte il a mis en fuite les hommes de police qui avaient arrêté votre femme, et l’a soustraite à toutes les recherches.
– M. d’Artagnan a enlevé ma femme ! Ah çà, mais que me dites-vous là ?
– Heureusement M. d’Artagnan est entre nos mains, et vous allez lui être confronté.
– Ah ! ma foi, je ne demande pas mieux, s’écria Bonacieux ; je ne serais pas fâché de voir une figure de connaissance.
– Faites entrer M. d’Artagnan», dit le commissaire aux deux gardes.
Les deux gardes firent entrer Athos.
«Monsieur d’Artagnan, dit le commissaire en s’adressant à Athos, déclarez ce qui s’est passé entre vous et monsieur.
– Mais ! s’écria Bonacieux, ce n’est pas M. d’Artagnan que vous me montrez là !
– Comment ! ce n’est pas M. d’Artagnan ? s’écria le commissaire.
– Pas le moins du monde, répondit Bonacieux.
– Comment se nomme monsieur ? demanda le commissaire.
– Je ne puis vous le dire, je ne le connais pas.
– Comment ! vous ne le connaissez pas ?
– Non.
– Vous ne l’avez jamais vu ?
– Si fait ; mais je ne sais comment il s’appelle.
– Votre nom ? demanda le commissaire.
– Athos, répondit le mousquetaire.
– Mais ce n’est pas un nom d’homme, ça, c’est un nom de montagne ! s’écria le pauvre interrogateur qui commençait à perdre la tête.
– C’est mon nom, dit tranquillement Athos.
– Mais vous avez dit que vous vous nommiez d’Artagnan.
– Moi ?
– Oui, vous.
– C’est-à-dire que c’est à moi qu’on a dit : «Vous êtes M. d’Artagnan ?» J’ai répondu : «Vous croyez ?» Mes gardes se sont écriés qu’ils en étaient sûrs. Je n’ai pas voulu les contrarier. D’ailleurs je pouvais me tromper.
– Monsieur, vous insultez à la majesté de la justice.
– Aucunement, fit tranquillement Athos.
– Vous êtes M. d’Artagnan.
– Vous voyez bien que vous me le dites encore.
– Mais, s’écria à son tour M. Bonacieux, je vous dis, monsieur le commissaire, qu’il n’y a pas un instant de doute à avoir. M. d’Artagnan est mon hôte, et par conséquent, quoiqu’il ne me paie pas mes loyers, et justement même à cause de cela, je dois le connaître. M. d’Artagnan est un jeune homme de dix-neuf à vingt ans à peine, et monsieur en a trente au moins. M. d’Artagnan est dans les gardes de M. des Essarts, et monsieur est dans la compagnie des mousquetaires de M. de Tréville : regardez l’uniforme, monsieur le commissaire, regardez l’uniforme.
– C’est vrai, murmura le commissaire ; c’est pardieu vrai.»
En ce moment la porte s’ouvrit vivement, et un messager, introduit par un des guichetiers de la Bastille, remit une lettre au commissaire.
«Oh ! la malheureuse ! s’écria le commissaire.
– Comment ? que dites-vous ? de qui parlez-vous ? Ce n’est pas de ma femme, j’espère !
– Au contraire, c’est d’elle. Votre affaire est bonne, allez.
– Ah çà, s’écria le mercier exaspéré, faites-moi le plaisir de me dire, monsieur, comment mon affaire à moi peut s’empirer de ce que fait ma femme pendant que je suis en prison !
– Parce que ce qu’elle fait est la suite d’un plan arrêté entre vous, plan infernal !
– Je vous jure, monsieur le commissaire, que vous êtes dans la plus profonde erreur, que je ne sais rien au monde de ce que devait faire ma femme, que je suis entièrement étranger à ce qu’elle a fait, et que, si elle a fait des sottises, СКАЧАТЬ