La confession d'un abbé. Louis Ulbach
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Название: La confession d'un abbé

Автор: Louis Ulbach

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066086688

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СКАЧАТЬ demain.

      —Je suis à vos ordres, si vous croyez qu'il vous indique une piste à suivre.

      M. Barbier se mit à rire.

      —Je tâcherai de me passer de vous.

      —Je vous en défie!

      —Vous m'en défiez?

      —Sans doute; et si vous y tenez, je prends même l'engagement de savoir, une heure après vous, ce dont il s'agit et d'aviser, deux heures avant vous, à ce qu'il faudra faire.

      Le sous-secrétaire d'État promena les yeux autour de lui:

      —Est-ce que vous auriez des agents ici?

      Le préfet s'amusa à passer rapidement la revue des domestiques en livrée, qui servaient à table.

      —Peut-être! En tout cas, il ne m'est pas difficile, vous le comprenez, de mettre quelques-uns de mes gens, en observation sur la place Vendôme; d'avoir les noms, les adresses, de toutes les personnes qui sortiront d'ici, après une audience…

      —C'est vrai, répliqua le sous-secrétaire d'État, qui avait pris du bout des doigts la carte de son visiteur, et la remuait dans son gousset. Vous pouvez filer tout le monde. Faisons mieux, voulez-vous? Collaborons… Pouvez-vous, d'ici demain matin dix heures, savoir quel est le personnage qui m'a remis sa carte… que je n'ai pas encore lue?

      M. Barbier tira de sa poche le petit carton sur lequel un nom était écrit à la plume et non imprimé. Il lut:

      LOUIS HERMENT Boulevard des Batignolles, 20

      Il passa la carte à son voisin.

      Le préfet la reçut, comme un expert reçoit une pièce à juger; il l'examina, et dit ensuite:

      —Votre visiteur ne rend guère de visites. Je gagerais que cet autographe est le seul de son espèce. Votre homme a prévu qu'il serait obligé de vous donner son nom et son adresse. Il a confectionné ceci à votre seule intention. Le carton a été découpé par un canif et une règle, ce matin; l'écriture est toute fraîche; quant au nom, il est tracé avec une application qu'on n'a pas d'ordinaire, en reproduisant sa signature. Aucun trait n'échappe à la volonté de bien écrire. Voulez-vous mon sentiment? C'est là un faux nom.

      —Pourquoi, alors, aurait-il ajouté son adresse?

      —Si le nom est faux, l'adresse est fausse. Il s'agissait uniquement de vous inspirer une demi-heure de confiance. L'homme ne prévoyait pas que vous me rencontreriez et que j'enverrais un agent à son prétendu domicile.

      —De sorte que, demain matin, à dix heures, vous pourriez me donner des renseignements sur cet individu?

      —A dix heures, soit. Je ne vous garantis pas, pour une heure si matinale, toute la vérité, ni même la vérité vraie; mais nous aurons des vraisemblances, des conjectures, et, pour un commencement d'enquête, cela suffit… Tenez! Je vois déjà que ce M. Herment est un homme déchu.

      —A quoi voyez-vous cela?

      —A la petite prétention de la carte, et à l'adresse. Nous avons bien des naufragés dans ce quartier-là!

      —Je vous affirme qu'il a l'air très respectable, une belle figure.

      —On sauve tout cela du naufrage. Quel linge a-t-il?

      —Ah! parbleu, vous m'en demandez trop. Il faisait presque nuit. Mais vous voyez qu'il a les mains propres, puisque sa carte est immaculée.

      Le dîner était fini. Le ministre se levait de table.

      La conversation en resta là. Mais elle se renoua pour une seconde, quand, d'assez bonne heure, avant tous les convives, après avoir pris congé du garde des sceaux, d'une façon ostensible, pour être, remarqué, le préfet de police se retira.

      C'est la coquetterie d'un fonctionnaire de cet ordre de paraître pressé de partir, comme si Paris brûlait, s'insurgeait ou s'égorgeait, pendant chaque minute perdue dans le monde.

      M. Barbier, qui semblait le guetter, le retint à la porte du salon principal, et le reconduisant jusqu'à, l'antichambre, avec l'aisance d'un homme qui est presque chez lui:

      —J'ai oublié de vous demander un renseignement, mon cher préfet. Je ne sais pas ce que M. Herment doit me raconter; mais dans le cas où ce brave homme—car je m'en tiens à ma première impression—me dénoncerait réellement un crime, une machination contre quelqu'un; bien que je sois décidé à rester dans une grande réserve, je voudrais cependant savoir quels sont les moyens préventifs que possède la police.

      —Elle n'en a qu'un, l'intimidation. Cela réussit auprès des malheureux, des jeunes gens, mineurs ou majeurs, qui ont l'instinct du salut, sans en avoir la force, auprès des déclassés, des gens nerveux. C'est notre plus beau rôle; mais c'est le moins justifié par la loi. Nous rendons, sous ce rapport, à bien des familles, des services qui nous seraient interdits, si les gens que nous faisons venir osaient invoquer la légalité. Mais ils l'ignorent, ou ils n'osent pas, et c'est tant mieux pour la morale. On connaît si peu la loi en France, et on croit la liberté individuelle si mal garantie! Le code est si souvent une arme excellente pour les coquins et les mauvais sujets, qu'il faut bien excuser un peu d'arbitraire, au profit des honnêtes gens qui se défendent. Si vous saviez combien de pères de famille, combien de mères elles-mêmes viennent nous demander naïvement des lettres de cachet!

      —Et vous en donnez?

      —En général, nous n'arrêtons personne, arbitrairement. Mais notre triomphe est de faire croire que nous pouvons arrêter tout le monde.

      —Qui donc peut croire cela?

      —Qui? Les malheureux, je vous l'ai dit, les jeunes gens; mais encore faut-il qu'ils soient d'une certaine catégorie sociale. Les gens du monde sont difficiles à intimider, autrement que par la peur du scandale. Quant aux gens du grand, grand monde, ils nous échappent avant le crime; c'est bien assez de les attraper quelquefois après… Voilà, mon cher collaborateur, ce que je mets à votre disposition… Comme il est probable qu'il ne s'agit pas d'une affaire du grand monde, nous pourrons toujours dire à Croquemitaine de faire du bruit dans la coulisse…

      —Je vous remercie, dit M. Barbier. Ce n'est pas grand'chose que

       Croquemitaine: il n'y a plus d'enfants!

      —Plus d'enfants? Mais il n'y a que cela!

      —Taisez-vous! Si le ministre vous entendait!

      —Croit-il donc avoir affaire à des hommes?

      —Chut! mauvaise langue.

      —Mon cher, dans un gouvernement démocratique il faut toujours se maintenir en verve d'ironie; on peut retourner si vite à l'opposition!… Au revoir, à demain!

      —A demain!

       Table des matières

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