La confession d'un abbé. Louis Ulbach
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Название: La confession d'un abbé

Автор: Louis Ulbach

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066086688

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       Table des matières

      Le sous-secrétaire d'État fit son entrée dans le salon de M. le garde des sceaux, au moment où celui-ci regardait sa pendule, les sourcils froncés, et où la pendule sonnait la demie.

      Le ministre salua d'un hochement de tête son jeune collaborateur; mais ne lui fit, ni compliment d'arriver à l'heure exacte, ni reproche d'avoir failli se faire attendre. Cette ponctualité était d'un zèle suffisant.

      Les dîners ministériels, surtout quand ils sont nombreux, paraissent les repas de corps des croque-morts de l'esprit. On y célèbre l'enterrement du défunt, mais sans que rien le rappelle.

      Les dimensions de la table, la diversité et l'importance des convives, la peur d'être pris au mot, quand on n'est pas sûr d'en dire plus d'un par quart d'heure, la présence des domestiques, qui peuvent comparer les ministres en exercice aux ministres passés, et souvent dénoncer à ceux-ci les prétentions de ceux-là, l'embarras d'une argenterie d'apparat, entremêlée de fleurs traditionnelles et qui isole les vis-à-vis, plus encore que la distance, tout paralyse la conversation générale et ne permet, tout au plus, que les dialogues entre voisins.

      Le sous-secrétaire d'État se trouvait placé à côté du préfet de police.

      Tous deux étaient jeunes, tous deux nouveaux en fonction. La lune de miel des fonctionnaires leur suggère des intempérances de tendresse et des indiscrétions de bonheur. Tous sont bavards, au début de leur importance. Leur première fatuité se décèle par la confidence de leurs bonnes fortunes administratives.

      Le préfet égaya le sous-secrétaire d'État par quelques révélations malicieuses.

      La police est un confessionnal et un dispensaire, et, comme les pénitents ou les malades n'y vont pas offrir leurs confessions, le secret n'est pas rendu absolument obligatoire par la confiance.

      Tout à coup, M. Barbier, qui n'avait à opposer que des cancans administratifs aux racontars de la police secrète, fit un petit bond sur sa chaise, et, interrompant son voisin:

      —Je vais probablement empiéter sur vos attributions, mon cher préfet.

      —A quel propos?

      —On s'adresse au ministère de la justice pour prévenir un crime.

      —Un complot?

      —Je ne crois pas. On m'a parlé d'une victime innocente.

      —Il n'y a pas alors de politique dans l'affaire. Est-ce un meurtre?

      —Je ne sais pas.

      —Un viol? un enlèvement? une séquestration?

      —C'est possible!

      Le préfet vida un verre de bourgogne qu'on venait de lui verser, et, d'un ton de raillerie:

      —Comment! vous ne savez rien?

      —Non, rien encore.

      —On se moque de vous.

      —Je ne crois pas.

      Le préfet écrasa sur le bord de son assiette une boulette de mie de pain qu'il avait triturée, pendant ses divers récits, et avec un sourire d'artiste qui va professer:

      —Vous le verrez! on se moque de vous. Quant à moi, si je gobais le quart des dénonciations qui m'arrivent tous les matins, je ferais, tous les soirs, arrêter cent personnes dans Paris.

      Le mot gober était permis entre deux anciens camarades du même banc, au centre gauche de la Chambre; d'ailleurs qui donc est plus à portée de puiser dans l'argot que le préfet de police? Mais le mot n'en était pas moins une moquerie. M. Barbier sourit, à son tour à cette piqûre sans venin.

      —Mon cher, je ne suis pas plus gobeur qu'un autre. Quand le dénonciateur a une apparence respectable…

      Le préfet interrompit:

      —Si les coquins n'étaient pas capables de surprendre le respect, il y aurait moins de dupes.

      —Je serais bien étonné d'avoir affaire à un coquin. Le chef de la police avança son coude sur la table, comme il eût fait à la tribune, et répliqua:

      —Les honnêtes gens ne sont pas moins sujets à caution que les coquins. Leur candeur les abuse grossièrement et leur vertu les rend infatigables à harceler la police. Vous ne savez pas à quel héroïsme d'espionnage l'honnêteté peut pousser? On se fait, en général, une très fausse idée dans le public du nombre des instruments que nous mettons en œuvre. Paris serait extraordinairement surpris d'apprendre avec combien peu d'agents embrigadés nous veillons sur lui. La plupart de nos captures importantes nous sont facilitées par des amis, pris de scrupule, qui ne veulent pas avoir sur la conscience la cachette d'un voleur ou d'un assassin, qui nous le livrent, sous la seule condition d'être tenus à l'écart de l'instruction, pour ne pas être exposés à des vengeances… Je ne vous parle pas des complices qui mangent le morceau, afin de bénéficier de cette complaisance… Voilà pour les crimes accomplis et dont nous poursuivons les auteurs. Mais les soupçons, faciles à concevoir, après une audience de cour d'assises, après la représentation d'un drame! mais les billevesées des peureux! Rappelez-vous, pendant le siège de Paris, la terreur patriotique conçue par de braves gardes nationaux, toutes les fois qu'ils voyaient une chandelle allumée, ou une lampe à abat-jour de couleurs, au cinquième étage d'une maison du boulevard Montmartre! Ils allaient dénoncer des espions, qu'on ne trouva jamais. Avant d'être préfet de police, pendant la Commune, j'ai connu un épicier, estimé, incapable de fausser la vérité, autrement qu'avec ses balances, qui a dénoncé et fait fusiller, le plus innocemment du monde, par l'armée de Versailles, le plus innocent de ses voisins, un chimiste, parce que celui-ci se livrait à des manifestations inconnues dans l'épicerie et qu'on assurait être des fabrications de fusées incendiaires! Cela m'a rendu défiant. Je reçois des lettres de femmes mariées, me demandant de faire expulser, ou de faire enrégimenter par le bureau des mœurs des demoiselles qui les font jalouses; sans compter les belles-mères qui ne se rendent pas compte des agissements de leur gendre; les concierges et les propriétaires qui veulent sauvegarder la réputation de leur immeuble, compromise par des locataires mystérieux! On méprise mes agents, sans se douter qu'ils ont des émules, plus féroces et plus crédules dans beaucoup d'honnêtes gens.

      —Et les honnêtes gens ne vous donnent jamais un bon avis?

      —Jamais c'est trop dire. Si; quelquefois.

      —Vous voyez donc bien!

      —Mais ils se trompent quatre-vingt-quinze fois sur cent.

      —Vous avez plus confiance dans les coquins que vous exploitez et qui vous exploitent?

      —Non, pas plus, mais tout autant. Les naïfs se trompent; les coquins veulent nous tromper. Il n'y a pas de catégorie pour la vérité.

      —C'est égal, reprit M. Barbier, en insinuant deux doigts dans la poche de son gilet, vous avez beau dire, j'ai bonne opinion de l'homme que j'ai СКАЧАТЬ