La confession d'un abbé. Louis Ulbach
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Название: La confession d'un abbé

Автор: Louis Ulbach

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066086688

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СКАЧАТЬ paraissait en train d'éconduire, difficilement un vieillard, fort convenablement vêtu, qui n'avait pas de lettre d'audience et qui voulait, disait-il, parler à M. le ministre, ou à son secrétaire.

      M. Barbier, avec la pétulance et l'imprudence d'un néophyte, peut-être avec la tentation orgueilleuse de jeter en passant un rayon de sa jeune gloire sur cet importun, s'arrêta, se raidit et, d'un ton haut, qu'il avait rapporté d'un parquet de province:

      —Qu'est-ce? demanda-t-il.

      L'huissier, soulagé de ce renfort, ou bien dépité de l'intervention de M. Barbier, quand il avait répété lui même à satiété qu'il n'y avait personne au cabinet de M. le garde des sceaux, ou bien encore, enchanté comme un vieil employé, de faire pièce et d'enseigner son rôle à un débutant fonctionnaire, sans répondre à la question de celui-ci, se recula et dit à l'homme qu'il poussait vers la porte:

      —Tenez! voilà M. le sous-secrétaire d'État. Parlez-lui.

      L'homme se retourna, s'avança, et, saluant avec une humilité sans bassesse:

      —Pourrais-je, monsieur, vous entretenir quelques instants?

      —Ce n'est plus l'heure des audiences!

      —Je le sais. Mais croyez, monsieur, qu'il faut un motif bien puissant…

      —Revenez demain!

      —Je ne reviendrai, monsieur, que si, après m'avoir écouté pendant cinq minutes, vous pensez avoir besoin de m'entendre de nouveau.

      Il y avait dans la façon de parler de cet inconnu, plus que dans ses paroles, une douceur et une fermeté, une politesse et une sorte de hardiesse, une supplication involontaire de mendiant et une raideur d'homme incapable de mendier, qui saisirent M. Barbier.

      Son premier zèle n'était pas encore émoussé. Il pouvait donner ou perdre cinq minutes. Comme il était en appétit, il eut celui d'un mystère à déguster avant le dîner.

      L'élan même avec lequel il partait pour monter dîner, le disposait aux imprudences du cœur et de la curiosité.

      Il fit un geste de résignation, rouvrit la porte, à peine fermée derrière lui, et, d'un mouvement de la tête, invitant l'étranger à le suivre:

      —Entrez, monsieur, lui dit-il vivement.

      L'huissier maintint le battant de la porte, pendant que l'homme passait, suivant le sous-secrétaire d'État, et revint ensuite, avec un sourire, reprendre sa place devant le bureau de l'antichambre, qui est l'ancien bureau des gardes des sceaux, détrôné, depuis M. Émile Ollivier, je crois, par le bureau de Louis XVI.

      Le sourire que l'huissier laissait tomber sur sa chaîne semblait dire de

       M. Barbier.

      —S'il est encore ici dans trois mois, il ne m'exposera plus à me démentir. Il ne retiendra plus les gens que je renvoie. C'est jeune! Ça manque d'expérience!

      Pendant que ce monologue muet s'élargissait dans le sourire de l'huissier expérimenté, le jeune sous-secrétaire d'État introduisait, en passant le premier, le visiteur inconnu jusque dans le cabinet du ministre. Là, au lieu de prendre place devant le bureau, il attira l'étranger dans l'embrasure d'une des portes-fenêtres donnant sur le jardin de l'hôtel, n'offrant pas, ni ne prenant pas de siège, pour bien faire comprendre qu'il n'avait tout juste que cinq minutes à donner, profitant du jour qui baissait pour regarder et dévisager son interlocuteur.

      —C'est quelque juge de paix destitué ou quelque magistrat mécontent, pensait-il, après un regard rapide et présomptueux.

      Il se hâtait de conclure, pour n'être pas embarrassé par l'examen de ce personnage grave et intimidant.

      L'homme paraissait avoir environ soixante ans. Il était grand; se voûtait par moments, par habitude de saluer ou de se recueillir; puis, se redressait avec lenteur, non par fierté, mais par indépendance. Ses cheveux grisonnaient et s'espaçaient, sur un front large, bien modelé. Ses yeux, d'un bleu profond, paraissaient endormir une flamme, bien contenue sous des arcades avancées. La pâleur du teint mat dénonçait une souffrance chronique, victorieuse, que tout pourtant voulait dompter, dans cette physionomie si mâle dans sa douceur. Sa lèvre, un peu forte, mais d'un dessin correct, était accoutumée au sourire, comme au symbole silencieux de la douleur. Le menton soigneusement rasé, un peu proéminent, trahissait une volonté solide; on devinait un homme peut-être foudroyé au dedans, mais bravant encore la foudre.

      Le costume était sévère, sans recherche. Il consistait en une redingote longue, boutonnée, devenue un peu large pour le corps qui, tout robuste qu'il était, avait certainement maigri. Une cravate noire à pans retombants et retenus, dans un gilet haut, par une simple épingle, ne laissait voir, dans tout ce costume sombre, au-dessous de cette blancheur épanouie du visage, qu'un liseré de linge blanc autour du cou. Les mains dégantées, mais dont l'une tenait les gants serrés et allongés, étaient fort belles, sans anneau. Tout, dans cet homme, était grave, harmonieux, simple et peu commun. On pouvait se livrer, sur son état ancien ou actuel, dans le monde, à plusieurs hypothèses; mais le caractère profondément, absolument humain, était celui qui s'offrait tout d'abord à l'observateur.

      M. Barbier n'avait pas le temps d'observer. En subissant le charme, il le justifiait par la similitude des professions. Il avait une hâte naïve d'entendre encore la voix, sonore et juste, qui lui avait mis dans l'oreille, dès les premiers mots, comme l'écho d'un prétoire.

      —Parlez, monsieur, dit-il avec dignité.

      L'inconnu hésita, eut un gonflement de la poitrine, qu'il apaisa sous sa main, et répondit enfin:

      —Excusez-moi, monsieur. J'ai tant désiré cet entretien, que je ne pensais plus à la difficulté de le commencer. Je voudrais, avant tout, vous inspirer de la confiance.

      M. Barbier que cette diction, savante jusque dans son effusion sincère, prédisposait de mieux en mieux, eut un mouvement de la tête et fit un geste de la main qui exprimait une intention formelle de respect ou au moins de déférence, en tout cas, une exhortation courtoise.

      L'inconnu s'inclina, et lentement, avec cette coquetterie que les suppliants mettent dans une caresse qui leur est permise, en modulant la phrase:

      —Je vous remercie.

      Il se redressa, et on eût dit qu'il avait puisé du sang dans son cœur pour le faire remonter à ses joues, qui se colorèrent, comme du reflet d'un crépuscule invisible au dehors. Le jour gris-cendré venant du jardin rendait cette rougeur plus éclatante.

      Elle dura peu. L'homme voulait redevenir froid. Il passa sa main blanche sur son front, sur ses joues, et les glaça, puis la promenant sur sa bouche, il rendit à celle-ci sa souplesse; alors, droit, regardant bien en face le sous-secrétaire d'État:

      —Monsieur, lui dit-il, je viens vous dénoncer un crime!

      M. Barbier tressaillit, se recula, heurta de son épaule la vitre de la grande fenêtre, et presque effaré, balbutia:

      —Un crime! Cela ne me regarde pas.

      —Comment! ne représentez-vous pas la justice?

      —Oui, celle qui nomme les magistrats. СКАЧАТЬ